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24 août 2017

L'intégrité morale

intégrité moraleEmil LAZAR

L'intégrité morale

1 P 1,13-16


podcast

La méditation que vous allez entendre est d’Emil Lazar. D’origine roumaine, il est le pasteur de l’Église Adventiste d’Aubervilliers. Cette méditation a été diffusée le 23 juillet dernier sur France Culture.
En l’entendant, je l’ai trouvée tellement forte que j’ai voulu vous en faire profiter ce matin.

Pour l’apôtre Pierre, une vie équilibrée bien maîtrisée qui nous offre le bonheur, est caractérisée par l’excellence morale. La sainteté est l’assurance de vivre dans l’espérance, dans la grâce, dans l’amour. Le problème, c’est qu’il existe de nombreux mots pour définir cette excellence morale : juste, saint, parfait, sans péché, sans tache, etc.


Lorsque nous voulons expliquer tous ces mots, nous tombons dans une confusion de définitions qui provoque des disputes stériles et même des schismes entre chrétiens. J’ai cherché un mot qui fasse la synthèse du projet d’excellence morale voulu par Dieu, pour chaque chrétien qui est prêt à le suivre. Le plus approprié que j’ai trouvé pour définir l’excellence morale est une notion dont on entend parler de plus en plus souvent dans notre société aujourd’hui : « l’intégrité morale ».
Être une personne intègre signifie 3 choses :
1) Avoir des valeurs morales claires et bien définies ;
2) Vivre avec ces valeurs ;
3) Le 3e élément est le plus important dans la définition de l’intégrité : rester fidèle aux valeurs acquises, dans toutes les circonstances, et surtout quand la pression pour abandonner ces valeurs devient insupportable.

L’aspiration à l’intégrité morale est universelle, même si les motivations peuvent différer. Certains veulent être irréprochables pour acquérir la respectabilité sociale, quelques uns pour avoir un équilibre psychologique. Notre estime de soi, le poids de nos paroles, la réussite totale dans la vie (c’est-à-dire dans tous les aspects de notre existence), dépendent de l’intégrité morale dans l’existence humaine. En voici un exemple.

Dans les pays de l’Europe de l’Est, après la deuxième guerre mondiale, des régimes totalitaires basés sur l’idéologie communiste, se sont installés. Les nouveaux maîtres du jeu intronisés avec l’aide des soviétiques avaient un grand handicap : ils ne suscitaient presque aucun enthousiasme. L’essentiel de la population restaient toujours attaché aux valeurs de la démocratie et espérait que les élites de l’ancien régime allaient se redresser pour changer la donne. Conscients de ce manque d’adhésion à leurs projets, les imitateurs de Staline ont commencé à mettre en prison la majorité des intellectuels, des hommes politiques, des officiers de la société d’avant leur arrivée au pouvoir. Le but était simple : briser leur rectitude morale et les compromettre définitivement. Pour cela, les tortionnaires faisaient pression de toutes les façons possibles pour arracher de fausses dénonciations contre des amis et des collaborateurs proches. S’ils parvenaient à obtenir cela, et à les embrigader comme des informateurs de la police secrète, la force de leur intégrité était brisée à jamais. Et ces modèles moraux sont devenus de pauvres gens qui ont porté un lourd fardeau jusqu’au tombeau. Les pressions ont été énormes : des interrogatoires interminables, des supplices physiques inimaginables, des pressions psychologiques insupportables (par exemple, on détruisait leur dernière résistance en leur disant que leur conjoint, ou leurs enfants étaient morts, sans que ce soit vrai). Peu de ceux qui ont souffert, sont restés fermes jusqu’au bout ; beaucoup se sont inclinés à un moment donné devant cette machine diabolique de lavage de cerveau que les communistes ont créée. Et ces gens qui ont perdu leur intégrité en signant n’importe quoi et en collaborant avec la plus perverse forme de police, se sont enfoncés dans le désespoir et la dépression. La perte de l’intégrité a changé à jamais leur vie et leur image publique. Avoir une conscience limpide est fondamentale pour vivre le bonheur dans notre vie, aussi fragile soit-elle.

Nous avons une preuve biblique pour montrer que le succès sous tous les aspects se construit sur l’intégrité. Cette preuve, nous la trouvons avec un personnage célèbre et très aimé par les petits et les grands : c’est Joseph, le fils préféré de Jacob. Joseph est la figure de Jésus-Christ dans l’AT : 1) Il a été vendu par ses proches comme Jésus a été trahi par les siens ; 2) Au moment de sa fragilité maximale, il a dû affronter la tentation comme Christ le fera dans le désert après 40 jours de jeûne et de solitude ; 3 ) Joseph est devenu le sauveur de ses frères en leur pardonnant le mal qu’ils lui avaient fait, exactement comme Jésus est le sauveur qui enlève la culpabilité du pécheur. Dans un sens, Joseph annonce, par son caractère, le Messie qui devait venir.

Ce caractère hors du commun, Joseph l’a bâti sur l’intégrité morale, avant toute autre qualité. Une intégrité qui a une architecture simple. Il y a deux piliers qui soutiennent l’édifice d’une bien équilibrée, deux piliers qui ne bougent jamais, quelles que soient les circonstances.

Le premier pilier, nous le découvrons dans le livre de la Genèse au chapitre 38. Jalousé par ses frères, Joseph est vendu comme esclave à une caravane qui descendait en Égypte. Sa vie tourne au cauchemar le plus noir. Le statut d’esclave est la situation la plus méprisable qui existe. Par un concours de circonstances, Joseph est vendu à un haut dignitaire égyptien, Potiphar, le chef des gardes royales (une sorte de patron des services secrets). C’est un personnage puissant, craint par tous. Et, ici, au moment le plus dur de sa vie, Joseph voit une petite lumière. Grâce à ses qualités et ses compétences, il obtient une promotion : il avance dans la hiérarchie de l’esclavage. De serviteur domestique, il est nommé intendant de la maison, le superviseur de toutes les affaires de son maître. Joseph devient le favori de son patron. Et, pour lui, l’espoir renaît qu’un jour il retrouvera la liberté, s’il donne satisfaction.

Mais bientôt, une occasion en or se présente dans sa vie. L’épouse de son patron le trouve beau, intelligent, et nourrit une passion folle pour lui. Joseph pourrait profiter de l’opportunité pour devenir le double favori, et de son maître et de sa maîtresse. C’est la meilleur occasion pour accélérer son affranchissement et retrouver sa liberté et son honneur. Il pourrait les manipuler tous des deux dans son intérêt. Mais quand la femme de Potiphar lui propose de devenir son amant, la réponse reçu est offensante pour cette dame habituée à être satisfaite au moindre caprice exprimé. Pour les adeptes de l’opportunisme, les paroles de Joseph sont stupides et suicidaires. Comment peut-on rater une telle occasion de sortir de l’enfer ? Ta famille t’a oublié, tes frères t’ont trahi, ton Dieu t’a abandonné dans un pays étranger pour vivre dans une condition terrible. Et, d’un coup, la vie te donne une possibilité de t’en sortir. Il faut vite s’emparer de ce cadeau inespéré. Mais Joseph a une autre vision des choses, une autre architecture pour sa vie. Voilà se réponse :
Joseph refuse (la proposition de sa maîtresse) et il dit à la femme de son maître : « Depuis que je suis ici, mon maître ne s’occupe plus de rien dans la maison. Il m’a confié tout ce qu’il possède. Dans cette maison, il n’a pas plus de pouvoir que moi. Il ne m’a rien interdit, sauf de te toucher, parce que tu es sa femme. Alors, comme est-ce que je peux faire un acte aussi grave et pécher contre Dieu ? (Gn 39,8-9).

Dans cette réponse se trouve le premier pilier de l’intégrité morale : la motivation des actions. Dans sa vie, dans son comportement, Joseph n’est pas guidé par les circonstances ou par le gens. il se regarde dans le miroir de Dieu. Pour lui, la référence morale absolue, c’est Dieu. C’est pour cela qu’il ne peut pas suivre la voie opportuniste proposée par sa patronne. Et cette référence morale absolue qui est son Dieu représente le premier pilier de l’architecture de l’intégrité. Il y a d’autres références morales que l’on peut avoir : la religion, l’église, les parents, la société. Beaucoup de personnes sont motivées pour bien se comporter par leur appartenance religieuse, par le respect pour leurs parents ou par désir de s’intégrer dans un groupe social. Mais ces références posent problème : Sous la pression d’événements exceptionnels, elles ne résistent pas. En tant que pasteur dans une église issue de l’immigration, j’ai connu des personnes qui avaient un comportement correct dans leur pays, où ils étaient encadrés par la famille, par l’église de leur enfance. Mais lorsqu’ils se sont retrouvés loin, dans un milieu différent, moins bienveillant, ils ont craqué et leurs agissements sont devenus méconnaissables. Toute autre motivation morale pour notre comportement qui n’est pas absolue, qui ne se base pas sur la présence de Dieu dans nos vies, va chanceler à un moment ou à un autre. La force morale d’une personne vient du miroir dans lequel elle se contemple.

Le deuxième pilier de l’intégrité de Joseph, nous le découvrons le jour où il rencontre ses frères, ses bourreaux d’autrefois. À cause du refus catégorique d’être l’amant de sa maîtresse, Joseph est jeté en prison et traverse une période plus critique que jamais. Abandonné dans la prison du pharaon, il va s’en sortir d’une manière inespérée. Grâce à Dieu qui l’aide à expliquer les rêves du pharaon, Joseph sort de  prison, franchit les marches de la gloire, et devient le deuxième homme dans la hiérarchie du pays. Plus qu’un simple dignitaire, il devient l’espoir de tout un peuple et même d’une vaste région du monde. Il évite une terrible famine, sauve l’Égypte et les populations environnantes. Ses frères, menacés par cette famine, arrivent devant leur frère pour acheter le blé nécessaire à leur survie. C’est un face à face chargé d’émotions pour Joseph. Comment va-t-il réagir ? Comment traiter ces monstres qui lui ont volé sa vie, sa jeunesse, sa famille, son avenir désiré ? La blessure est profonde en lui. Il voit encore leurs visages déformés par la vengeance, devant la souffrance produite par l’arrachement du foyer paternel. Il porte dans sa chair les humiliations d’un esclave et il ne peut pas oublier la destruction des meilleures années de sa vie. Maintenant, son pouvoir est illimité, il dispose de la vie et de la mort sur eux. C’est son moment de gloire. Que fera-t-il ? Voilà ce que dit la Genèse :
« Joseph s’éloigna d’eux pour pleurer… » (quand il les rencontre pour la première fois).
« Il embrassa aussi tous ses frères en pleurant… » (au moment où Joseph dévoile sa vraie identité devant ses frères frissonnant de peur).
« Il les consola en parlant à leur cœur… » (quand ses frères étaient terrifiés de la possible vengeance de Joseph, après la mort de leur père, Jacob.

Joseph ne réagit pas comme la plupart des gens. Il fait exactement le contraire de ce qui est dans la nature humaine. Avec des conséquences extraordinaires pour sa vie et aussi pour celle des autres. Il a choisi d’envisager les choses par les yeux de Dieu, et malgré les nombreuses épreuves, il arrive là où personne ne pouvait imaginer. Il pardonne l’impardonnable à ses frères, les sauve de l’anéantissement, et restera à jamais le précurseur du grand Sauveur de l’humanité.

Le deuxième pilier de l’intégrité que Joseph montre par son attitude envers ses frères coupables est la compassion et le compréhension pour la faiblesse humaine. Joseph a des émotions intenses, mais cette capacité de compatir et de comprendre l’humain, est le fruit d’une réflexion approfondie, renforcée par la perception divine sur l’humanité. Il s’est emparé des lunettes de Dieu quand il a jugé les actions de ses frères. Genèse 50,19-21 illustre cette capacité de voir autrement les gens : « Joseph répond à ses frères : « n’ayez pas peur ! Je ne suis pas à la place de Dieu. Vous avez voulu me faire du mal, mais Dieu a changé ce mal en bien. Il a voulu sauver la vie d’un grand nombre de gens, comme vous le voyez aujourd’hui. Maintenant, n’ayez pas peur ! Je prendrai soin de vous et de vos familles ». Par ces paroles pleines d’affection, Joseph rend courage à ses frères.

Cultiver la compassion et la compréhension pour mon vis-à-vis n’est pas facile et n’est pas une qualité humaine innée. C’est une grâce que Dieu nous fait que l’on doit garder soigneusement. C’est une discipline personnelle qui est fondamentale pour l’architecture de notre intégrité. Quand on cultive la compassion et la compréhension à la manière de Joseph, il faut s’imposer une ligne de pensée qui ne tient pas compte des émotions négatives qui parfois nous submergent. Pour bien mettre en place ce deuxième pilier, voici quelques éléments qui le composent :
Faisons l’effort de nous mettre à la place de l’autre et de sortir de la gravitation autour de notre propre personne ;
Cherchons des circonstances atténuantes pour nos débiteurs et cessons de chercher seulement pour nous ;
Manifestons la confiance dans l’évolution en bien de l’autre, et soyons prêts à offrir une deuxième chance aux relations brisées ;
Bannissons avec horreur tout ressentiment, toute délectation perverse que la vengeance pourrait nous procurer ;
Si nous choisissons de vivre le pardon, pardonnons sans réserve et sans condition.

La grandeur d’une personne se trouve dans cette capacité à regarder les autres, au-delà des pulsions du moment que notre nature humaine nous fournit.

Il y a quelque années en Roumanie, la télévision nationale a fait une grand enquête auprès de la population avec cette question : « Quel est le plus grand Roumain de tous les temps ? » À la surprise générale, dans le top 5 des grandes personnalités ( parmi les rois, les princes, les poètes de génie, les écrivains célèbres) s’est trouvé le nom d’un pasteur, Richard Wurmbrand. Juif d’origine, militant du Parti Communiste entre les deux guerres mondiales, athée convaincu, rien ne semblait le prédestiner aux grandes actions qui resteraient dans la mémoire d’un peuple. Un jour, vers 1938, il a rencontré un moine orthodoxe qui a mis en doute ses certitudes sur la vie, et l’a dirigé vers une autre source d’inspiration, la Bible. Son existence a alors radicalement changé. Avec la même passion qu'autrefois pour les idéaux révolutionnaires des communistes, il s’est lancé dans la prédication de l’Évangile. Quand le régime stalinien s’est installé dans le pays, ses anciens camarades ont voulu le punir pour la trahison des idéaux révolutionnaires. En février 1948, immédiatement après le départ du roi Michel, il est arrêté et commence un calvaire inimaginable dans les goulags de rééducation jusqu’en 1964. Il a connu toutes les souffrances physiques et morales, mais il n’a jamais cédé à ses principes. Il est resté droit comme un symbole d’intégrité pendant toute cette histoire atroce du totalitarisme. Libéré de prison, il a été pratiquement poussé vers le départ en Occident. En 1990, de retour dans son pays, sa première visite a été dans un cimetière, sur la tombe de son tortionnaire le plus féroce. Et là, sur la pierre tombale, il a déposé une rose, comme un symbole de pardon, de l’absence de toute forme de revanche. Sa vie, et surtout cette image, sont restées gravé dans la mémoire et la conscience d’un peuple entier, comme un modèle d’intégrité morale. Une intégrité qui fait la grandeur d’une personne, qui offre la paix et le goût d’un bonheur sans pareil.

Dans notre monde d’aujourd’hui où des intégristes de tous bords ressurgissent bruyants et agressifs, hypocrites et intolérants, narcissiques et sociopathes, il faut que l’intégrité réelle se montre de plus en plus. Cette intégrité avec son architecture à deux piliers : 1) Dieu comme référence morale absolue, notre miroir de contrôle ; 2 ) Les lunettes de Dieu avec 2 lentilles : celle de la compassion, et celle de la compréhension pour la faiblesse humaine.

Si ma vie était un film, je choisirais « À la poursuite du bonheur ». Plutôt pour le titre que pour le contenu. Parce que en tant qu’humain, vivant sur cette terre, je cherche chaque jour à vivre un peu de bonheur. Et parfois, je prends une mauvaise voie, en criant que la joie produite par le succès professionnel, ou la satisfaction de gagner un peu plus d’argent sont signes de bonheur. Mais toujours, on constate qu’une fois l’euphorie passée, on retourne aux mêmes angoisses et doutes.

Et si pour un moment, on faisait confiance à cet apôtre, Pierre, qui disait il y a presque 2000 ans que notre destiné, notre accomplissement en tant qu’humains est de se rapprocher de l’excellence morale de Dieu : « Dieu vous a appelés et il est saint, alors vous aussi, devenez saints dans toute votre conduite »  (1 P 1,15).

Sa théorie était simple : Le bonheur humain passe par la quête de l’intégrité morale. Joseph, ce héros du livre de la Genèse, prouve que cette théorie est vraie. Pourquoi ne pas l’essayer, nous aussi ?

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