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15 avril 2024

La nourriture essentielle

La nourriture essentielle

Dt 8,1-20


podcast

 

   Le texte que je viens de lire nous montre la merveilleuse pédagogie de Dieu et l’amour qu’il manifeste pour tirer les hommes vers le haut, c’est-à-dire les amener à rompre avec l’orgueil qui est profondément ancré dans leur cœur (le MOI au centre), et leur permettre d’entrer dans une relation de confiance profonde avec Lui (Dieu au centre).


Ce texte écrit il y a si longtemps, nous concerne tous, aujourd’hui encore : Dieu nous appelle à lui faire confiance, car il veut nous combler de ses grâces et nous communiquer sa vie.

   Pour apprécier la pédagogie et l’amour de Dieu dans ce texte, il faut se remémorer la raison pour laquelle le peuple a marché 40 ans dans le désert. Souvenez-vous : Dès sa sortie d’Égypte, Dieu aurait voulu que son peuple prenne rapidement possession de la Terre promise. Mais le peuple ne lui a pas fait confiance. Il a eu peur d’entrer dans le pays, en entendant le rapport des 12 hommes qui l’avaient explorer secrètement sur la demande de Moïse (Nombres 13). En effet, ces hommes racontèrent que le pays qu’ils avaient exploré était riche, un pays découlant de lait et de miel. Mais ils y avaient aussi vu des villes fortifiées et des populations de géants.

   Bien que le peuple ait été témoin de la puissance de Dieu (les 10 plaies d’Égypte, le passage de la Mer des Joncs), il ne voulut pas affronter ce qui lui paraissait insurmontable ; il mit en doute le fait que Dieu accomplirait son plan (Nb 14,1-4).

   S’il s’était senti fort, ce même peuple n’aurait pas hésité à entrer dans le pays promis. C’est la preuve qu’il faisait plus confiance à ses propres forces qu’aux promesses de Dieu.

   Cette façon d’agir ne nous rappelle-t-elle pas notre propre attitude, souvent ?

   Devant ce manque de foi, Dieu a décidé que cette génération incrédule n’entrerait pas dans la terre promise. Sauf 2 hommes qui avaient toujours eu confiance en Lui : Caleb et Josué. Tous les autres ont terminé leur vie dans le désert et se sont privés de connaître le pays que Dieu voulait leur donner.

   Lorsque Moïse prononce les paroles de notre texte, toute la génération incrédule est morte. Il s’adresse donc à la génération née dans le désert, et il lui rappelle que malgré les épreuves, Dieu était bien présent et conduisait son peuple : « Souviens-toi de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant ces 40 années dans le désert. Il voulait t’humilier et te mettre à l’épreuve, pour connaître les dispositions ton cœur, et savoir si tu respecterais ou non ses commandements ».

   Ce verset nous donne une des réponses à la question lancinante que les hommes, chrétiens ou non, se posent : Pourquoi Dieu permet-il les épreuves ? Ce texte nous dit que c’est souvent pour révéler à l’homme les dispositions de son cœur !

   Il est important d’admettre que les épreuves de la vie, qui sont parfois si difficiles à vivre, ne sont pas des mesures de rétorsions de la part de Dieu. Dieu les permet pour que l’homme retrouve le chemin de la confiance et de l’obéissance. Admettons donc que les épreuves ne sont pas systématiquement négatives et destructrices, et apprenons à les vivre en sachant que Dieu ne nous a pas abandonné.

   C’est le moment d’éclairer le sens du verbe « humilier »  employé à 3 reprises.

En français, le verbe « humilier » signifie : « rabaisser quelqu’un, en le faisant apparaître comme inférieur, méprisable » (Larousse). Cette traduction est très mal venue, car Dieu n’agit jamais ainsi. La traduction du rabbinat, de la TOB et du français courant disent : « afin de t’éprouver par l’adversité » (rabbinat) / « …par la pauvreté » (TOB) / « … par la faim » (BFC). Ces traductions sont plus conformes au contexte biblique. En effet, si Dieu éprouve les hommes, ce n’est jamais pour les abaisser ou pour les détruire. C’est pour les remettre sur le bon chemin, celui qui conduit à l’obéissance à Christ.

   Ce qui prouve la justesse de ces traductions, c’est que le texte nous montre que l’épreuve imposée par Dieu est immédiatement suivie de sa bénédiction : v. 3 : « Il t’a appauvri, il t’a fait connaître la faim, et il t’a nourri de la manne que tu ne connaissais pas… afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l’Éternel ».   On voit bien qu’il n’est pas du tout question d’humiliation, mais d’une épreuve qui a pour but de révéler à l’homme ce qu’il a dans le cœur, et de lui montrer le chemin qui conduit à la Vérité. Pour nous, chrétiens de la nouvelle alliance, ce chemin c’est Dieu, au travers de Jésus-Christ.

   De quoi Dieu se sert-il ici pour enseigner son peuple ? Du besoin vital, commun  tous les hommes : Manger, se nourrir.

   Aujourd’hui, lorsqu’on a faim, on ouvre son réfrigérateur et on se sert. Une grande partie de nos contemporains n’imaginent pas que la nourriture pourrait manquer. Et lorsque nous prononçons la demande du Notre Père : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », la confiance qu’il y aura quelque chose dans notre assiette vient plus du fait que les magasins sont bien approvisionnés et que nous avons l’argent nécessaire pour acheter de quoi manger, plutôt que l’exaucement de notre prière. Notre situation n’est en rien comparable avec ce qu’a vécu le peuple dans le désert !

   Pendant les 40 années du désert, ce besoin vital de nourriture n’était dispensé que par Dieu, qui donnait, chaque jour, juste la ration suffisante de manne pour vivre. Ce que les hommes voulaient garder en réserve pour le lendemain, pour assurer leurs arrières, pourrissait, sauf pendant le sabbat où Dieu donnait une ration double, puisqu’il avait demandé de ne pas travailler ce jour-là.

   Pendant 40 ans, le peuple s’est trouvé dans la même situation qu’un SDF qui n’a pas 10 centimes devant lui. Il ne pourra manger que si le gens veulent bien déposer quelques pièces dans une boîte posée au sol devant lui.

   S’il existe des SDF chrétiens, la demande qu’il font à Dieu : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » est une prière qui n’est sans doute pas faite à la légère, comme nous pouvons la faire souvent.

   Qu’est-ce que Dieu voulait faire comprendre à son peuple, juste avant qu’il entre dans le pays promis ? Et que veut-il nous dire, à nous, aujourd’hui, à travers ce texte ?

   Beaucoup de nos contemporains pensent que le sens de la vie se réduit à la satisfaction des appétits. S’ils gagnent assez pour bien s’habiller, manger et mener un train de vie confortable, ils pensent avoir une bonne vie. Or, les biens matériels n’apportent pas la réponse à nos aspirations les plus profondes ; au bout du compte, ils nous laissent vides et insatisfaits. Moïse affirme clairement : vivre vraiment, c’est  vivre consacré à Dieu, le créateur de la vie elle-même, et se nourrir de toutes ses paroles. Cela signifie que nous devons :

   - 1) reconnaître notre besoin de sa Parole ; 

   - 2) admettre que Dieu seul peut nous apporter une réelle satisfaction ; 

  - 3) prier pour qu’il soit présent, nous éclaire de sa sagesse et nous guide dans notre lecture ; 

  - 4) savourer la relation que nous avons avec lui à travers Christ ; 

  - 5) traduire dans la pratique ce qu’il nous enseigne.

   Tous les hommes sont-ils convaincus de cela ? NON ! Et les chrétiens ? C’est à chacun de répondre.

   Dans ce texte, Dieu qui connaît notre cœur veut déjouer les pièges dans lesquels il ne voudrait pas que nous tombions : « L’Éternel ton Dieu va te faire entrer dans un bon pays. C’est un pays de cours d’eau, de sources et de lacs… un pays de blé, d’orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers, un pays d’oliviers et de miel, un pays où tu mangeras du pain en abondance, où tu ne manqueras de rien… Lorsque tu mangeras à satiété, lorsque tu construiras et habiteras de belles maisons, lorsque tu verras ton gros et ton petit bétail se multiplier, ton argent et ton or augmenter, et tout ce qui est à toi se développer, attention ! Ne laisse pas ton cœur s’enorgueillir, n’oublie pas l’Éternel, ton Dieu ».

   Prenons au sérieux ce que Dieu nous dit ici. Nous voyons bien qu’il ne condamne pas la richesse en soi. Notre société de consommation est le piège idéal pour nous détourner de Dieu d’une façon tellement subtile que nous ne nous en percevons pas.

   En effet, quand tout va bien, nous avons tendance à croire que c’est grâce à nos capacités que nous avons réussi. Nous estimons que notre richesse est le fruit de notre intelligence et de notre travail, et nous en retirons de la fierté. Il est facile de devenir à tel point préoccupé par l’accumulation et la gestion des biens matériels , ou par la peur de les perdre, que Dieu passe souvent au second plan. C’est pourtant lui qui nous donne tout ce que nous avons, et c’est à sa demande que vous devons les administrer.

   La richesse ou l’aisance sont des pièges redoutables pour nous couper d’une relation profonde avec Dieu, mais la pauvreté n’est pas sans danger non plus. Le livre des Proverbes nous met aussi en garde : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire, de peur qu’étant rassasié, je ne te renie et ne dise : Qui est l’Éternel ? Ou qu’étant dans la pauvreté, je ne commette un vol et ne porte atteinte au nom de mon Dieu » (Pr 30,8-9).

   Pour nous garder de ces pièges-là et de bien d’autres, la courte prière du Psaume 139 nous aide à résister à la tentation de l’orgueil :

   Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur ; éprouve-moi et connais mes préoccupations ; regarde si je suis sur une mauvaise voie, et conduis-moi sur le voie de la vérité (de l’éternité) (v. 23-24).

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