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17 septembre 2012

Vaincre la peur

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Lac de Tibériade (Israël)

 

 Matthias et Sophie HELMLINGER

podcast

 

Matthieu 8.18-28

 

   Jésus donne l’ordre à ses disciples de passer sur l’autre rive ; ils obéissent et c’est la catastrophe. Si nous voulons suivre le Seigneur, notre vie ne sera pas toujours un long fleuve tranquille. Nous pouvons même avoir des frayeurs que nous n’aurions pas connues, si nous étions restés tranquillement chez nous. Mais le Seigneur est là, et nous allons voir de quelle manière.

   L’enseignement sur la foi que les disciples ont reçu ce jour-là est valable aussi pour ceux qui ne sont pas disciples de Jésus. Les disciples ont appris une leçon, pas seulement avec leur tête, mais avec leur corps et leur âme, avec leurs tripes. On les voit en effet sidérés de peur, ils ont frôlé la mort de près, pendant que Jésus dormait. Dans le récit parallèle de Marc 4 on voit un détail intéressant sur la façon dont Jésus dormait : et lui, il dormait à la poupe sur le coussin (v 38) . Il faut le faire ! Dormir en pleine tempête, avec le vent qui hurle dans les voiles, les vagues qui se jettent contre la barque et les embruns qui éclaboussent de partout ! Pendant ce temps, Jésus dormait,  la tête sur le coussin ! Dans l’évangile de Matthieu Jésus vient de dire que le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête (Mt 8.20). La tempête et un coussin dans une barque qui chavire, lui conviennent parfaitement comme lieu pour reposer sa tête.

   Ses disciples ont été obligés de le réveiller, nous disent les trois évangiles, Matthieu, Marc et Luc. Ces deux derniers ajoutent : il se réveilla (Mc 4.39 ; Lc 8.24). Ce détail est inutile dans le récit, mais il est introduit ici pour nous renvoyer à la résurrection de Jésus. C’est le même verbe en effet, qui sera utilisé pour parler de Jésus se réveillant d’entre les morts, Jésus ressuscitant.

   Jésus dormant en pleine tempête, c’est Jésus dans sa mort. Jésus n’a pas d’endroit sur terre pour reposer sa tête, mais il en a trouvé un : dans la tombe, chez les morts. Voilà le Jésus qui est avec nous pour toujours : Jésus crucifié, mort et enterré. C’est ainsi qu’il vient à notre aide.

   Voilà pourquoi il reproche à ses disciples leur peu de foi. D’après Marc et Luc, Jésus leur demande même : comment n’avez-vous pas de foi ? (Mc 4.40), où est votre foi ? (Lc 8.35). Je crois qu’il est encore obligé de poser souvent cette question aujourd’hui. Nos émotions sont légitimes. L’être humain est constitué, entre autres d’émotions ; la peur en fait partie. Comment ne pas avoir peur quand vous êtes sur une mer déchaînée et que vous risquez de couler ? Les textes des évangiles insistent sur l’aspect démesuré de la tempête ; Matthieu parle même d’un séisme marin, d’un tsunami. Marc parle d’un grand tourbillon de vent, particulièrement inhabituel. Nous savons aujourd’hui que les tempêtes sur le lac de Tibériade peuvent surgir en quelques minutes, alors que tout était calme l’instant d’avant. Il y a un phénomène climatique particulier à cet endroit : les vents provenant de plusieurs points se rassemblent subitement en puissants tourbillons qui soulèvent la mer.

   Mais ici, cette tempête inhabituelle semble avoir une autre origine : elle semble provoquée par l’ordre de Jésus de passer sur l’autre rive. Satan se déchaîne. Jésus va le chercher sur son terrain. Sur l’autre rive en effet, Jésus libérera de leur obsession de la mort deux démoniaques qui avaient une force herculéenne, et que personne n’osait approcher. Sur la croix, Jésus est allé chercher le prince de ce monde sur son propre terrain. Dans Jean 12.31, Jésus dit : maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. Jésus est allé vers la croix en toute connaissance de cause, et ses disciples ont complètement paniqué dans le jardin de Getsémané. Ils ont fui la tempête en prenant leurs jambes à leur cou. Jésus lui, est resté calme. Il est allé au-devant de la tempête qu’il a lui-même déchaînée en allant chercher le diable sur son terrain. Il y a laissé sa vie, mais nous avons trouvé la nôtre. Désormais, chacun de nous peut dire avec l’apôtre Paul : je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi (Gal 2.20). Le chrétien, c’est une personne qui vit dès aujourd’hui la vie après la mort, la vie du Christ ressuscité. Et justement à cause de cela, le chrétien avance cahin-caha dans la foi, comme Pierre marchant sur l’eau à la rencontre de Jésus ; au bout de quelques pas, il coule. Jésus est souvent obligé de venir nous redonner la foi. Jésus est l’initiateur de la foi et il la mène à son accomplissement (Heb 12.2). Avec mon raisonnement, j’ai longtemps tordu cette promesse, en me disant : « puisque c’est Lui qui donne la foi, je n’ai rien à faire ». Il y a beaucoup de belles paroles de la Bible que nous pouvons tordre à notre détriment. En vérité, le récit de la tempête apaisée est un très beau enseignement sur la foi : Jésus donne la foi, et justement, parce qu’il nous l’a donnée, elle est à nous et nous devons nous en servir. Contrairement à ce que disent les traductions, Jésus ne reproche pas à ses disciples d’avoir eu peur. La peur fait partie des émotions normales de tout être humain. D’après Mt 8.26 et Mc 4.40, Jésus demande à ses disciples pourquoi ils ont été peureux, on peut aussi traduire le grec « deiloi » par : lâches. Pourquoi êtes-vous lâches ? On a le droit d’avoir peur en suivant Jésus, avec toutes les épreuves qui nous tombent dessus, mais on n’a pas le droit d’être lâches avec un tel Seigneur, parce qu’il est quand même avec nous dans la barque ! D’après Apo 21.8, les lâches auront leur part dans l’étang embrasé de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.

   Alors comment faire, quand on a peur en suivant Jésus, peur devant les souffrances, peur devant les montagnes de l’impossible qui se dressent devant nous quand nous lui obéissons ? Eh ! bien, ne pas rester dans cette peur ! Ne pas s’y installer. La peur est légitime, mais s’y établir, avec le Seigneur dans la barque, ce n’est pas légitime. Ce n’est pas légitime, car le Seigneur a déjà donné le remède à la peur : la foi. Comment n’avez-vous pas de foi ? (Mc 4.40). Jésus est étonné de ce que ses disciples n’utilisent pas la foi qu’il leur a donnée. Mais quand est-ce que Jésus a donné la foi à ses disciples ? L’évangile de Jean insiste sur l’heure de la glorification de Jésus qui est l’heure de sa mort et en même temps l’heure où la foi authentique est donnée (Jn 19.35). Jésus met en doute la foi de ses disciples avant que ne vienne cette heure : Vous croyez à présent ? Voici que l’heure vient, et maintenant elle est là, où vous serez dispersés, chacun allant de son côté, et vous me laisserez seul (Jn 16.31-32). Mais à partir de l’heure où Jésus est glorifié, la foi est donnée. Sur le lac de Tibériade en furie, Jésus considère déjà ses disciples comme propriétaires de la foi qu’il leur donnera dans sa mort et sa résurrection ; c’est pourquoi il leur demande : Où est votre foi ? (Lc 8.35). Jésus est le seul à pouvoir nous donner la foi, et c’est justement pour cela qu’il peut nous demander : Où est votre foi ? Il sait qu’il nous l’a donnée et elle nous appartient désormais. Par sa question, Jésus nous fait prendre conscience de la foi qui est en nous, et dont nous ne pouvions soupçonner la présence. Car Jésus a déclaré lui-même que la foi n’est pas visible, même à nos propres yeux : Car en vérité je vous le déclare, si un jour vous avez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : « passe d’ici là-bas », et elle y passera. Rien ne vous sera impossible (Mt 17.20). La foi ne se trouve pas en nous regardant le nombril, mais en écoutant Jésus. Par la foi, ne nous installons pas dans la peur jusqu’à devenir des lâches.

   On a des exemples de chrétiens qui refusent d’écouter leur peur et continuent d’écouter leur foi : - au Nigéria, des chrétiens continuent à se réunir alors que leur église a été réduite en cendres, leur pasteur tué, leurs filles kidnappées. Ils ont peur, mais ils préfèrent écouter leur foi en Jésus - Ingrid Bettancourt attachée pendant des années à un arbre dans la jungle colombienne, a continué à écouter sa foi en Jésus plutôt que de se laisser aller au désespoir et à la haine - le rabbin Eisenberg raconte l’histoire d’un Juif pendant la guerre: un SS avait sorti son revolver en disant « je vais te tuer » ; le Juif a répondu «  tu me tueras quand Dieu le voudra » ; le SS a tiré ; la balle est restée bloquée dans le canon ; le Juif a tué le SS et s’est enfui - en Afrique il y a quelques années, des rebelles ont aligné des chrétiens et les ont mis en joue ; les balles sont restées bloquées dans le canon, alors que les fusils fonctionnaient normalement quand ils tiraient en l’air.

   Nous avons un Seigneur puissant, qui commande à la création toute entière : Quel est celui-ci, car même le vent et la mer lui obéissent ? (Mt 8.27). Dans Esaïe 54.16, le Seigneur Dieu rassure Israël en lui disant que c’est Lui qui a créé les fabricants d’armes, mais que c’est lui aussi qui crée le destructeur de ces armes.

   Avec le Seigneur nous pouvons vaincre la peur, que nous vivions ou que nous mourions. Car il y a aussi des chrétiens et des Juifs pour qui les balles n’ont pas été bloquées dans le canon. Le Seigneur crucifié est avec nous en tant que Ressuscité, et nous vivons déjà de sa vie aujourd’hui. J’ai donné des exemples extrêmes où des croyants ne se sont pas laissé vaincre par la peur, mais nous pouvons vaincre la peur dans notre vie quotidienne, en commençant à exercer notre foi dans des circonstances moins dramatiques que celles que j’ai évoquées. Nous pouvons exercer notre foi, car pour le Seigneur il n’y a aucun doute qu’il nous l’a donnée. Il l’a donnée en passant sur l’autre rive. Il a quitté la rive Ouest du lac pour gagner la rive Est, le pays des Gadaréniens (Mt 8.28). Autrement dit : Jésus est passé du côté Israël au côté Nations. Il a fallu sa mort et sa résurrection pour cela. Cela ne s’est pas fait de façon naturelle. C’est contre nature, contre ce que les disciples pouvaient comprendre. Mais tel est le projet de Dieu : donner la foi, non seulement à Israël mais aussi aux Nations. Ce don de la foi lui a coûté son Fils unique. Amen.

 

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Lac de Tibériade (Israël)

 

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