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26 avril 2021

Le Bon berger

 bergerJe vais d’abord lire le texte du jour : Jn 10,11-18 ; puis je lirai le texte qui précède : la guérison d’un aveugle né (Jn 9,1-41). En effet, on ne doit pas séparer ces deux textes, car ce que Jésus dit dans dans le passage qu’il est convenu d’appeler le Bon berger, est en réaction directe avec l’attitude des Pharisiens envers l’homme qu’il a guéri de sa cécité. 


Je ne vais pas m’attarder sur le miracle qu’accomplit Jésus en guérissant cet aveugle de naissance. Soyez-en sûrs, je n’ai aucun doute que les faits se soient produits comme le rapporte le texte. Et c’est merveilleux de voir comment Dieu intervient dans certaines circonstances de la vie des hommes.

  Ce que je veux souligner aujourd’hui, c’est la réaction des Pharisiens et celle des parents de l’homme que Jésus a guéri, car cela en dit long sur le climat spirituel que les chefs religieux faisaient régner à l’époque.

   On constate, en effet, l’influence néfaste qu’avaient les Pharisiens dans la société d’alors, puisque les voisins témoins de la guérison conduisent l’homme auprès d’eux. Le texte ne dit pas explicitement pourquoi. On peut supposer qu’ils voulaient mettre au courant les autorités religieuses sur le fait que cette guérison ait eu lieu un jour de sabbat, dans le but de se faire bien voir.

   Les pharisiens (mot qui signifie : séparé) étaient assidus à l’étude et à l’interprétation des Écritures. Dans leur désir d’observer strictement la Torah, ils avaient fini par élaborer 613 règles morales, dont 365 interdits. C’est l’ensemble de ces règles qu’ils imposaient au peuple d’une main de fer.

   Les parents de l’homme guéri semblent asservis sur le plan religieux au point de ne pas oser dire ce qu’il s’est passé exactement. On le voit à leur attitude craintive devant ceux qui les interrogent : « Nous savons que c’est notre fils, et qu’il est né aveugle, mais comment il voit maintenant, nous ne le savons pas, ou qui lui a ouvert les yeux, nous ne savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez âgé pour parler de ce qui le concerne ». 

   Il est à peu près sûr qu’ils savaient qui avait guéri leur fils, parce que les nouvelles vont vite dans les circonstances exceptionnelles, même sans les réseaux sociaux. En effet, les voisins avaient entendu l’homme leur dire que c’était Jésus qui l’avait guéri (v.11).

   Les parents n’ont rien dit parce qu’ils avaient peur des Pharisiens et des Juifs opposants à Jésus. Le texte le dit clairement : « Ses parents dirent cela, parce qu’ils craignaient les Juifs, car les Juifs s’étaient mis d’accord : si quelqu’un confessait que Jésus étaient le Christ, il serait exclu de la synagogue (v. 22). 

   J’ai parlé de la crainte des parents. On peut la comprendre : Il faut savoir que « l’exclusion de la synagogue entraînait pour l’excommunié, la rupture de toutes les relations sociale avec ses alentours » (Godet). Ce n’est pas la crainte des parents qu’il faut blâmer ! C’est les responsables religieux qui entretiennent volontairement un climat de crainte pour asseoir leur pouvoir.

   Les parents ne sont pas les seuls à manquer de convictions. On lit au v. 16 : « Quelques uns des Pharisiens disaient : Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n’observe pas le sabbat. D’autres (Pharisiens) disaient : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? Et il y eut division parmi eux ». 

   Où sont-ils passés, ces hommes, Pharisiens aussi, qui, dans un premier temps ont émis  des doutes sur les affirmations péremptoires de leurs collègues qui condamnent Jésus parce qu’il a fait une guérison le jour du Sabbat ? On n’entend plus leur voix lorsque les plus opposés à Jésus traitent comme un malpropre celui qui a été guéri : « Tu es né tout entier dans le péché, et c’est toi qui nous enseigne ! Et ils le jetèrent dehors » (9,14).  Quel mépris de la part de religieux ! Les plus acharnés font souvent taire ceux qui manquent de convictions. C’est encore valable de nos jours !

   Frédéric Godet, dans son commentaire de l’Évangile de Jean, n’y va pas de main morte lorsqu’il écrit : « Les Pharisiens étaient parvenus à établir leur autorité dans l’enceinte du peuple de Dieu, en dehors de toute charge instituée par Dieu. Rien, en effet, dans la loi, ne justifiait la mission que ce parti s’était arrogé en Israël, et le pouvoir despotique qu’il y exerçait ».

   Ces critiques sévères sont fondées, lorsqu’on sait que pendant la période de l’occupation romaine, c’était le pouvoir politique qui nommait les grands prêtres, essentiellement recrutés parmi les Sadducéens qui formaient l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem, et qui siégeaient au Sanhédrin avec les Pharisiens.

 

   Le  texte du bon berger se divise en 3 parties. Après avoir parlé du rôle du berger qui marche devant ses brebis lorsqu’il les fait sortir de la bergerie (v.1-5), Jésus se compare à la porte des brebis (v.7-10) : « Moi, je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ». Remarquons que dans  cette seconde partie, Jésus parle de lui-même, ce qui n’est jamais le cas dans toutes les autres paraboles. Et comme dans la première partie, il oppose l’attitude du berger à celle des voleurs et des brigands « qui ne viennent que pour voler, tuer et détruire ». Alors que lui, Jésus « est venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance » (v. 10).,

 

   Dans la troisième partie (v. 11-18) que nous allons étudier, Jésus parle aussi de lui-même : Il est le « bon berger qui donne sa vie pour ses brebis ». On pense tout de suite à la Croix, au sacrifice auquel Jésus a consenti pour réconcilier les hommes avec Dieu, afin qu’ils soient sauvés.

   On ne peut pas s’empêcher de penser aussi au Ps 23 où il est question d’un berger, et quel berger ! Il est vrai qu’il faut avoir un certain âge pour comprendre l’importance du rôle d’un berger. En effet, de nos jours, les animaux ne sont plus gardés par un homme, mais par des clôtures électriques. Et tout le monde n’a pas eu la chance de voir agir des bergers dans les estives des Alpes. Je ferme la parenthèse.

   Le premier verset du Ps 23 dit déjà tout : « L’Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien ». Lorsqu’un chrétien fait de ce psaume une prière de reconnaissance, il pourrait s’arrêter là, car tout l’amour de Dieu est contenu dans ces 5 mots : « je ne manquerai de rien ». La suite du Psaume est le catalogue de tous les bienfaits que Dieu accorde à celui ou celle qui lui fait confiance. Il reçoit tout de Dieu : la nourriture et la boisson indispensables à la vie physique ; le renouvellement des forces psychiques ; un accompagnement sur des chemins droits et justes, à cause de son nom ! Un réconfort dans les passages difficiles de la vie ; une protection face à des adversaires ; une onction de joie, des bénédictions et des grâces qui se renouvellent chaque jour ; et la certitude que le Seigneur est toujours proche. Quelle grâce d’être une brebis de ce berger !

   Dire : « Le Seigneur est mon berger » est plus qu’une simple image. C’est décrire le Seigneur dans sa personne même ; c’est dire le comportement de Dieu envers les hommes ; c’est décrire la relation intime de Dieu avec les hommes.

   C’est exactement ce que Jésus dit dans notre texte. Il y a une grande ressemblance entre ces bergers. Mais le berger de l’évangile dit quelque chose de plus. Quelque chose  que le croyant du Psaume n’a pas dit : il donne sa vie pour ses brebis.

   Mesurons-nous chaque jour la grandeur de ce don ? Le salut gratuit que nous vaut ce don, ne nous a rien coûté, à nous qui sommes des créatures pécheresses, mais a coûté la vie à Celui qui était sans péché !

   La relation intime que Jésus veut établir entre Lui et nous s’exprime dans le v. 14 : « Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent comme le Père me connaît et comme je connais le Père ». Ici, le verbe « connaître » n’a pas le sens commun qui vient à l’esprit : « Je connais mon voisin de palier » Lorsque Jésus dit : « Je connais mes brebis », il s’agit d’une connaissance aimante de l’être intérieur de chacune de ses brebis. Et cette connaissance est réciproque de la part des croyants, grâce à la présence du Saint-Esprit en eux. Il ne peut pas y avoir de meilleure connaissance, de meilleure proximité, de meilleure intimité entre Jésus et son Père. Eh bien, Jésus nous dit que c’est la même intimité que nous pouvons vivre avec Lui ! Le désirons-nous aussi ? Avons-nous vraiment soif de cette intimité ?

   Mais Jésus est réaliste aussi ; il ne badigeonne pas tout en rose. Il sait qu’il existe aussi de faux bergers ;  il les appelle « mercenaire ». Pour un mercenaire, garder des brebis est un métier comme un autre. Il en tire un revenu ; c’est tout ce qui compte. Que lui importe que le troupeau soit menacé par des loups. Il sauve sa peau avant tout, et tant pis pour les brebis qui sont à la merci des prédateurs. 

  Quand on voit une continuité entre les deux passages que nous avons lus, il est normal d’essayer de comprendre ce que Jésus désigne en employant ces deux mots, « mercenaire » et « loup ». Je rapporte ce que Frédéric Godet écrit : « Le loup représente le principe positivement hostile au règne de Dieu et au Messie, c’est-à-dire les Pharisiens. Le mercenaire, lui, représente les fonctionnaires légitimes qui étaient appelés à enseigner le peuple, c’est-à-dire les sacrificateurs et les lévites, qui étaient des docteurs attitrés de la loi » Nous avons vu plus haut que le contexte politique avait fait de cette fonction un métier plutôt qu’une vocation. Dans ses épitres, Paul a souvent dénoncé l’attitude de prédicateurs qui venaient semer le trouble en annonçant un autre évangile que le sien (Gal 1,6-7 ; 2 Co 11,4 et 13-14).

   Que dirait Jésus aujourd’hui en fréquentant les diverses assemblées chrétiennes qui ont la même Bible en commun, mais qui en tirent parfois des enseignements qui se contredisent ? Tiendrait-il les mêmes propos qui sont rapportés dans Matthieu : « À la vue des foules, Jésus en eut compassion car elle étaient lassées et abattues comme des brebis qui n’ont pas de berger » (Mt 9,36). Reprendrait-il le réquisitoire de Dieu contre les bergers d’Israël rapporté par le prophète Ézéchiel : Lecture d’Ez 34,1-10.

   Frères et sœurs, cette dernière lecture n’a pas pour but de nous accuser ou de nous décourager. Elle a pour but de nous faire prendre conscience qu’en tant que chrétiens, nous sommes aussi des bergers, individuellement et communautairement. En nous accordant la grâce inouïe d’être sauvés gratuitement, Dieu nous confie aussi la mission d’être des bergers qui doivent aimer et prendre soin des brebis que le Seigneur place autour de nous. Il y a tant de brebis malades, blessées, perdues, errantes, dans nos communautés, et dans notre entourage  ! 

   N’oublions pas non plus qu’il y a eu des bergers qui ont pris soin de chacun de nous, pour nous conduire vers le Bon berger. Prolongeons leur mission en étant, à notre tour, des bergers aimants, actifs, désintéressés ; intéressés seulement d’œuvrer par amour pour les gens qui nous entourent, et pour la gloire de Dieu.

 

   Je relis le v. 16 : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là, il faut aussi que je les amène ; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau et un seul berger. »

   La mort de expiatoire de Jésus ne pouvait pas concerner exclusivement les membres du peuple d’Israël. C’est pour tous les hommes que Jésus a donné sa vie. Les autres brebis dont il parle, ce sont les païens. Et les païens qui entendront sa voix, ce sont les païens croyants. Ces derniers venus, si je puis dire, ne formeront pas un troupeau à part. Non ! Dieu n’a qu’un seul troupeau, et Christ est l’unique berger. Paul insistera sur ce point : « Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Christ-Jésus : vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec… car vous tous, vous êtes un en Christ-Jésus. Et si vous êtes à Christ, vous êtes la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse » (Gal 3,26-29).

   Après le réquisitoire de Dieu contre les faux bergers d’Israël, que je vous ai lu tout à l’heure, Dieu fait une promesse au peuple. C’est une prophétie que Jésus a accomplie : « J’établirai sur eux un seul berger, qui les fera paître, mon serviteur David, il les fera paître, il sera leur berger. Moi l’Éternel, je serai leur Dieu, et mon serviteur David sera prince au milieu d’eux » (Ez 34,23-24).

 

   Regardons maintenant les derniers versets : « Le Père m’aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre ».

   Le plan de salut du Père pour l’humanité était arrêté de toute éternité. Et ce plan passait par la mort du Fils. Jésus s’est parfaitement soumis au Père. Mais ce plan n’aurait pas été totalement accompli si Jésus n’était pas revenu à la vie. Il fallait que le dernier ennemi, la mort, soit vaincue, comme l’écrit Paul : « Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort » (1 Co 15,26). En effet, nous n’adorons pas un Jésus mort ! Nous adorons un Jésus vivant dont la vie irradie chaque croyant, par l’Esprit saint qu’il a répandu.

 

   « Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même » La mort de Jésus n’est pas accidentelle. Elle n’est pas non plus la conséquence de la cruauté des hommes qui ont fait mourir un innocent ! Non ! Jésus s’est soumis à son Père, librement, par amour pour l’humanité.

 

   « J’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre ». Cette parole n’est pas facile à comprendre. Ce que j’ai lu ne me parle pas — mais je n’ai pas tout lu. Voici l’explication que je propose : Lorsqu’il était sur terre, Jésus n’avait aucun pouvoir à Lui : il recevait tout de son Père. Il le dit lui-même à des Juifs courroucés de l’avoir vu guérir un infirme un jour de sabbat : « En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire par lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au père ; et tout ce que le Père fait, le Fils le fait également » (Jn 5,19). 

   Ainsi, la seule explication que je vois, c’est que Jésus avait reçu le pouvoir (grec exousia  = autorité ; différent de dunamis = puissance) de reprendre sa vie, parce que le Père le lui avait donné. C’est ce que semble dire la dernière partie du verset : « Tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père ».

   J’arrive au terme de ce message.

   S’il n’y avait qu’une seule chose à retenir de tout ce qui vient d’être dit, ce serait les paroles de Jésus des versets 14 et 15, parce qu’à elles seules, elles résument la grandeur de l’œuvre de Jésus et son amour infini : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme le Père me connaît et comme je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis ».

11:26 Publié dans Prédications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : berger

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