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11 mars 2013

Il te manque une chose

Tulipe 970.jpgMatthias HELMLINGER

Il te manque une chose

Marc 10.17-27


podcast

Beaucoup d’exégètes et de prédicateurs nous ont habitués à l’idée que la grâce est incompatible avec la Loi. Or, voilà que Jésus rappelle tout simplement les commandements à cet homme qui cherche la vie éternelle. La Loi est donc un chemin de vie éternelle. Bien d’autres textes des évangiles disent cela. Il ne faut donc pas absolutiser les raisonnements qu’on trouve dans les épîtres de Paul, qui opposent la Loi et la grâce. Ces raisonnements servent à une démonstration qui veut nous convaincre que le salut est en Jésus-Christ.


    Mais qui est Jésus-Christ ? Jésus a non seulement été circoncis, mais il a aussi été baptisé. Jésus s’est soumis à la Loi de Moïse, Il s’est même aussi soumis aux prophètes dont le dernier et le plus grand fut Jean-Baptiste. D’ailleurs l’apôtre Paul, au cœur même des textes dans lesquels il oppose la Grâce et la Loi, écrit : « la loi est spirituelle » Romains 7/14, « loin d’enlever toute valeur à la Loi, nous confirmons la Loi » Romains 3/31 « je suis assujetti par l’intelligence à la Loi de Dieu » Romains 7/25. Paul fait lui aussi l’éloge de la Loi. Si Jésus s’était distancé de la Loi, il ne serait tout simplement pas le Messie annoncé par la Loi et les prophètes. Laissons-nous donc déstabiliser dans nos fausses certitudes de chrétiens : Jésus n’envisage pas la Loi autrement que comme un chemin de vie éternelle. Plus précisément, les commandements contenus dans cette Loi sont le chemin de la vie éternelle. Qui dit chemin, dit commandements. Un chemin, c’est ce qui guide nos pas. Les commandements guident nos pas dans la vie quotidienne, nous indiquent ce que nous devons faire et ne pas faire. Ils ne sont pas facultatifs. La vie éternelle, c’est faire ce que Dieu veut. La vie éternelle n’est pas une promesse en l’air, sans consistance aujourd’hui, une sorte d’assurance vie qui serait débloquée à notre mort. La vie éternelle est définie ainsi dans Jean 17 par Jésus priant : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent Toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus-Christ » verset 3. La vie éternelle ne se définit pas par rapport au jour de notre enterrement. Connaître le Dieu vivant, c’est agir comme Lui grâce à Celui qu’Il a envoyé, Jésus-Christ. C’est cela, la vie éternelle. La connaissance de Dieu dans la Bible ne désigne pas une connaissance intellectuelle, elle inclut toujours une pratique des commandements de Dieu.

    Jésus rend cet homme d’abord attentif à l’étroite relation entre le Dieu vivant entre Jésus lui-même et Dieu. En effet, Jésus réagit à la façon dont cet homme pieux l’a salué, « bon maître » : « pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul » verset 18. Jésus ne nie pas qu’il est lui-même bon, mais il veut faire réfléchir cet homme : d’où lui vient cette bonté ? La bonté de Jésus, c’est celle de son Père. Il est Un avec son Père. Et puisqu’il est Un avec son Père, il vit cette bonté au milieu de nous. Seul Dieu est bon. Et si Jésus est bon, alors quelque chose s’est passé : Dieu n’est pas seulement dans le ciel, il est aussi sur la terre. Le Père est aux cieux, le Fils est venu sur terre. Les deux sont Un.

    Il se peut que les commandements de Dieu nous occultent cette bonté. A vrai dire, ce ne sont pas les commandements de Dieu qui nous occultent cette bonté, c’est la façon dont nous les utilisons. Les commandements de Dieu tiennent parfois compte de l’endurcissement de notre cœur. Voilà pourquoi Moïse a autorisé le divorce, d’après l’explication que Jésus nous donne dans ce même chapitre 10 de Marc verset 5. La Loi peut donc être utilisée par l’être humain pour continuer à avoir un cœur endurci et pour éviter ainsi de devenir bon comme Jésus. « Personne n’est bon, si ce n’est Un le Dieu » traduction littérale du verset 18 .

    C’était la première réponse de Jésus à cet homme en recherche. Dans sa dernière réponse, Jésus réutilise le mot « un » (au neutre) : « un te manque : va, ce que tu as vends-le et donne-le aux pauvres… » verset 21. Un te manque. Un commandement te manque. Il te reste Une chose à faire. Comme il y a Un Dieu, il y a Une action. L’action que Jésus demande à l’homme pieux, c’est l’action que cet homme a sous les yeux : Jésus Fils de Dieu est venu sur terre. Il est un Juif de chair et de sang. Jésus  a tout quitté pour pouvoir tout nous donner. Plusieurs textes du N.T. soulignent cela. Ce ne sont pas des richesses périssables qu’il a quittées, mais des richesses impérissables, bien plus précieuses que les nôtres. Il a tout quitté, pour tout partager avec nous. Je rappelle seulement un verset du N.T. parmi bien d’autres II Corinthiens 8/9 : « vous connaissez en effet la générosité  de notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu’il était, s’est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté ». La pauvreté de Jésus signifie pour nous richesse. Sans la pauvreté de Jésus, nous n’aurions rien. Si cet homme riche avait tout vendu et donné l’argent aux pauvres, cela aurait constitué pour quelques pauvres une richesse considérable. La pauvreté de Jésus n’est pas seulement une richesse pour quelques personnes, mais pour tous. Ce que nous recevons dans sa pauvreté, c’est la vie éternelle aujourd’hui même, le Royaume de Dieu tout entier. Jésus invite cet homme à faire comme lui l’action Une du Dieu Un.

    Mais ce commandement Un de Jésus surprend l’homme. Il ne portait pas d’intérêt particulier à ses richesses avant que Jésus lui dise de les quitter. Il avait dû en hériter une partie de ses parents. Ces richesses faisaient partie de sa vie tout naturellement. L’idole la plus fortement incrustée dans notre âme, c’est celle que nous ne voyons pas. Les richesses pour cet homme étaient pour ainsi dire transparentes. Ils ne les voyaient pas comme un obstacle pour la vie éternelle. La richesse est parfois signe de bénédiction de Dieu dans la Bible. Cet homme a toujours respecté les commandements de Dieu et Dieu l’a béni. Ses richesses ont été acquises honnêtement par le travail et l’épargne. Quand nous nous approchons de Jésus, il se peut que sa Parole nous surprenne, qu’elle nous montre quelque chose que nous étions incapables par nous-mêmes de voir dans notre propre vie. L’idole ne devient visible que lorsque Jésus nous parle. Elle se révèle tout d’un coup tellement puissante, qu’elle nous empêche d’obéir au commandement de Jésus. Elle est plus forte que notre amour pour Jésus. L’homme s’en est allé tout triste, nous dit le texte verset 22. Et Jésus ne lui a pas couru après ! La parole de Jésus est à prendre ou à laisser. Seule la Parole de Jésus révèle le problème de cet homme. Nous voyons dans le N.T. que l’apôtre Paul avait appris à être libre par rapport aux richesses de ce monde  Philippiens 4/12 : « je sais vivre dans la gêne, je sais vivre dans l’abondance. J’ai appris, en toute circonstance et de toutes les manières, à être rassasié comme à avoir faim, à vivre dans l’abondance comme dans le besoin ». Il a renoncé à tout pour Jésus : réputation, vie personnelle, vie conjugale, santé, confort, sagesse et richesse de ce monde, place reconnue dans la synagogue. Paul a tout quitté. Mais il a trouvé bien mieux.

    Le lien entre richesse et incrédulité est toujours d’actualité aujourd’hui. Regardez l’Eglise dans le monde aujourd’hui : là où les gens sont pauvres, l’Eglise est prospère, là où les gens sont riches, l’Eglise est moribonde. Peut-être nous pensons : « oui, c’est normal, les pauvres se rabattent sur une espérance facile, puisqu’ils n’en ont pas d’autres ! ». Cette pensée nous condamne. L’Eglise dans les pays pauvres nous fait honte, elle nous jugera, nous Occidentaux qui crevons dans notre individualisme forcené, dans un confort provisoire. L’Eglise des pays pauvres fournit aujourd’hui des témoignages nombreux de miracles, de prodiges, de guérisons que le Seigneur miséricordieux opère chez eux. Mais bien rares sont les témoignages de miracles qui viennent des pays occidentaux. Mère Térèsa disait qu’elle avait vu en Europe une misère morale, une solitude, qu’elle n’avait même pas rencontrée en Inde parmi les gens qui meurent dans la rue.

    L’Eglise n’a pas besoin d’argent pour être riche. Jésus ne dit pas à cet homme de vendre ses biens et de lui apporter l’argent de la vente. C’est ce que l’Eglise a parfois demandé à ses fidèles, c’est ce que des groupes sectaires exigent de leurs adeptes. Jésus n’est pas intéressé par l’argent de cet homme. Il dit à cet homme « va ! ». « Va, quitte-moi et vends ce que tu possèdes et donnes-en l’argent aux pauvres ! » Après seulement, cet homme pourra revenir vers Jésus et le suivre. Parfois, Jésus interdisait à des gens de le suivre, alors qu’ils auraient bien voulu.  Pourquoi ? Parce que Jésus connaît nos cœurs. Il ne veut pas être une idole de plus dans notre cœur, une idole que nous ajouterions à nos richesses personnelles. Il est le Dieu vivant. Il n’y a pas de commune mesure entre un Dieu vivant et une idole morte.

    Les disciples sont complètement effarés par l’enseignement de Jésus sur les richesses. « Qu’il sera difficile à ceux qui ont les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu » verset 23. Jésus en rajoute une couche, lorsqu’ils voient ses disciples médusés par cette affirmation. Il enfonce le clou une deuxième fois : « mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu » verset 25. Jésus pousse les disciples au bout de leur stupéfaction, pour qu’ils saisissent bien ce qu’il dit. Ils comprennent donc qu’ils sont inclus eux aussi dans cette impossibilité d’être sauvés, puisqu’ils demandent : « alors qui peut être sauvé ? » verset 26. Qui en effet peut dire qu’il n’a rien, aucun bien ? Pierre avait une maison à Capernaüm, on la visite encore aujourd’hui !

    A la question « qui peut être sauvé ? », Jésus répond : « aux hommes c’est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu » verset 27.

C’est la phrase clé de tout ce récit. « Ce qui est impossible aux hommes ne l’est pas à Dieu, car tout est possible à Dieu ». C’est la phrase qu’on trouve aussi dans la bouche de l’ange Gabriel à Marie : « rien n’est impossible à Dieu » Luc 1/37. Si Jésus demande à l’être humain de faire ce que Dieu fait, c’est parce que Jésus est né. Sa naissance change toutes les données dont nous disposons. Devant Pilate peu avant sa mort, Jésus a témoigné du pourquoi de sa naissance : « je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix » Jean 18/37. Désormais les possibilités de Dieu deviennent les possibilités de l’être humain et Dieu peut nous demander des choses que nous ne pouvons pas faire, parce que Jésus est toujours vivant.

    Alors, pourquoi cet homme est-il quand même parti tout triste ? Pourquoi Jésus n’a-t-il pas instantanément donné à cet homme la possibilité d’agir comme Dieu ?  Il nous est dit quelque chose d’important dans ce texte : « Jésus ayant regardé cet homme l’a aimé » verset 21. Quel privilège ! Rarement, même jamais, il ne nous est dit dans l’évangile que Jésus a regardé quelqu’un et l’a aimé ! Le plus souvent, Jésus manifeste l’amour de Dieu par des guérisons, par des pardons même lorsqu’ils ne sont pas demandés. Là, on nous dit que Jésus a regardé un homme, l’a aimé, et que cet homme est parti tout triste. Cela aussi est une bonne nouvelle pour nous : l’amour de Jésus n’est pas un amour qui cherche à nous séduire. Il ne nous enlève pas notre liberté. La séduction, c’est un pouvoir. Jésus ici n’est pas dans l’exercice d’un pouvoir. Il est dans l’amour, l’amour de Dieu son Père. Cet amour ne nous enlève pas notre liberté, au contraire, il la fonde. L’amour de Dieu nous est révélé non pas comme un pouvoir incoercible, auquel il ne reste qu’à se soumettre. L’amour de Dieu réveille en nous une liberté que nous ne soupçonnions pas. Voilà pourquoi Jésus demande à cet homme de vendre tout ce qu’il a et de le donner aux pauvres. Jésus veut que cet homme soit avant tout libre. Libre de se séparer des chaînes qu’il ne voyait pas dans sa vie. Libre d’aimer, que ce soit Dieu ou que ce soit les autres êtres humains. Jésus, c’est la liberté.

J’avais dit au début de cette prédication que Jésus, c’est la pauvreté qui nous enrichit. Je dis maintenant que Jésus, c’est la liberté qui nous libère. Tout cela se tient. Pour qu’il y ait amour, il faut la liberté. Pour qu’il y ait amour, il faut aussi laisser de l’espace donné à l’autre, et donc accepter pour soi-même une pauvreté, un non-pouvoir, une impuissance. La Bible ne glorifie pas la pauvreté pour elle-même, mais pour la place qu’elle donne aux autres. Jésus a donné à cet homme toute sa place. Il l’a regardé et aimé, et parce qu’il l’a aimé, il le laisse partir. Le récit ne nous raconte pas la suite. Nous ne savons pas ce que cet homme est devenu et nous n’avons pas à le savoir. Qu’il nous suffise de savoir que désormais un chemin s’est ouvert devant cet homme, un chemin qu’il ne connaissait pas, un chemin de liberté qu’il ne pouvait pas imaginer.

    Lorsque l’homme est parti, on nous dit que Jésus a encore regardé deux fois. Il « a regardé autour de lui » verset 23, puis il a regardé ses disciples verset 27, qui étaient complètement désemparés par son enseignement sur les richesses. S’ils avaient fait partie d’un conseil presbytéral pour noter le pasteur, ils auraient adressé un blâme unanime à Jésus comme pasteur. Pensez donc ! Il a laissé partir un homme riche qui ne demandait pas mieux que de faire partie de notre équipe ! Que fait Jésus ? Il regarde autour de lui, et il regarde maintenant ses disciples. Son enseignement s’accompagne d’un regard. Parfois nous avons besoin que notre interlocuteur nous regarde, lorsque nous ne savons pas si ce qu’il nous dit est sérieux ou pas, lorsque nous ne savons pas s’il parle avec bienveillance ou pas. Trois fois dans ce court récit, il nous est précisé que Jésus a regardé ses interlocuteurs. Dans son regard on peut voir sur quel ton il faut entendre son enseignement.

    Toutes les paroles de Jésus, son regard sur nous, son amour viennent de la croix.

Tout ce que j’ai évoqué jusqu’à présent :

  • l’idole invisible qui montre tout à coup son emprise sur nous quand Jésus nous parle, nous regarde, nous aime, n’est-ce pas à l’heure de la crucifixion de Jésus que toutes les idoles ont montré leur puissance ? Les hommes pieux se sont servis des commandements pour condamner Jésus. Leur religion est une idole. Juda a trahi pour de l’argent. L’argent est une idole. Pilate s’est lavé les mains. Le pouvoir est une idole. Et on pourrait continuer la liste
  • j’ai évoqué aussi la pauvreté nécessaire pour qu’il y ait amour. Jésus sur la croix nous aime, mais il nous laisse toute notre place. Il est véritablement pauvre, mais sa pauvreté est notre richesse.
  • J’ai évoqué la liberté. Dieu nous a laissé libres de faire tout ce que nous voulions. Nous avons humilié, torturé, tué son Fils. Et par cette liberté que nous avons exercée, Dieu nous a sauvés. Il nous a pardonné, il nous a libérés de nos idoles pour pouvoir faire ses commandements.

Personne n’est bon, si ce n’est le Dieu Un et celui qui fait Un avec Lui par la mort et la résurrection de Son Fils.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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