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16 novembre 2015

Le commandement d'aimer

commandement d'aimerAlain Nadal

Le commandement d'aimer

Jn 15,12


podcast

 

Je voudrais particulièrement insister sur le mot « commandement » du v 12 : Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Dans ce verset, nous percevons souvent une contradiction, à cause du rapprochement entre le substantif commandement et le verbe aimer.


Mais nous y voyons aussi une impossibilité, car nous nous sentons incapables d’aimer tout le monde, même dans le cadre d’une communauté chrétienne. Et lorsque Jésus ajoute : « Comme je vous ai aimés », cela nous semble encore plus impossible ! Ceci entraîne une incompréhension, un malaise même, chez de nombreux chrétiens soucieux de mettre en pratique la Parole de Dieu. En effet, nous avons tous la certitude qu’on ne peut pas aimer sur commande, que l’amour pour quelqu’un ne se commande pas ; mais aussi qu’on ne saura jamais aimer les autres comme Jésus nous a aimés !
Et pourtant, Jésus emploie bien le mot commandement quand il s’adresse ici à ses disciples. Si ce commandement ne concernait qu’eux, ça ne nous poserait pas de problème. Mais nous savons tous que cette parole nous concerne tous, en tant que disciples du Christ aujourd’hui. Ainsi, lorsque nous entendons ce commandement, nous pensons immédiatement à ceux que nous n’aimons pas. Qui d’entre nous, en écoutant ce commandement de Jésus ne s’est pas dit : C’est impossible que je l’aime, lui (ou elle), avec son sale caractère, ou après ce qu’il (elle) m’a fait, ou avec la vie qu’il mène ! Nous lui trouvons toujours un défaut suffisamment grave pour justifier le fait que nous ne pouvons pas l’aimer !
Pour être en paix, la solution la plus simple serait de sauter la lecture du chapitre 15 de l’Evangile de Jean ! Mais nous serions confrontés au même dilemme avec d’autres passages de l’Écriture !
Puisqu’il n’y a pas de solutions de facilités, le mieux est de chercher à comprendre ce que veut dire Jésus lorsqu’il nous donne le commandement de s’aimer les uns les autres comme il nous a aimés.

Dans ce but, il faut d’abord que s’opère en nous une révolution dans la compréhension que nous avons tous du verbe aimer. Pour nous, aimer fait partie du domaine du sentiment : on aime d’affection ou de tendresse ou d’amour passion. C’est cette compréhension de l’amour, profondément ancrée en nous, qui nous fait penser que le mot commandement n’a pas sa place dans le domaine de l’amour. L’amour pour notre conjoint, l’amour pour nos enfants, nos amis n’a pas été le résultat d’un commandement, mais plutôt celui d’une attirance, d’un sentiment profond de tendresse ou d’affection, peut-être même d’un coup de foudre irrésistible.
Pour Dieu, pour Jésus, et pour les disciples qui reprennent l’enseignement de Jésus, aimer ne se limite pas seulement, comme nous le faisons, au domaine du sentiment. Aimer, c’est avant tout du domaine de la volonté. Volonté de quoi ? Volonté d’obéir à ce que dit l’Écriture. C’est la raison pour laquelle Jésus peut employer le mot commandement lorsqu’il demande aux croyants de s’aimer les uns les autres.
Voici un exemple d’obéissance déconnectée de la notion de sentiment : même si vous n’avez pas des sentiments bienveillants pour votre supérieur hiérarchique, vous obéissez à ce qu’il vous demande de faire, parce que vous l’avez décidé. Vous pourriez très bien ne pas obéir lorsque vous n’en avez pas envie, mais vous avez décidé de le faire, ne serait-ce que pour ne pas être licencié !
On retrouve la même problématique avec le pardon : c’est aussi un commandement. Pour pouvoir pardonner des offenses humainement impardonnables, il ne faut pas attendre d’en avoir envie, il faut le décider, il faut choisir de pardonner. Ce n’est donc pas une question d’humeur. C’est une question de volonté. Et alors, Dieu nous donne la force de pardonner.
C’est dans cette compréhension des choses que Jésus peut commander à ses disciples d’aimer, même leurs ennemis : « Moi, je vous dis : aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5.43-44). Dans ce cas précis, nous voyons bien que, Jésus ne nous demande pas d’avoir de l’affection, de nous lier d’amitié avec celui qui nous fait du mal. Il nous demande d’avoir la volonté de lui pardonner, de le reconnaître dans son identité d’enfant de Dieu, de lui vouloir du bien. C’est comme cela que Dieu nous a aimés avant que nous reconnaissions Christ comme notre Sauveur et Seigneur. En effet, avant de nous convertir, peut-être avons-nous blasphémé contre lui, peut-être avons-nous eu une vie de débauche, peut-être avons-nous critiqué les chrétiens et proclamé haut et fort que la foi était de la foutaise ! Si Dieu avait la même conception que nous de l’amour, Jésus ne serait pas mort sur la croix pour sauver tous les hommes, les meilleurs comme le pires !

Lorsque Jésus veut nous faire comprendre à quoi il reconnaît qu’un de ses disciples l’aime, il ne tient pas compte, d’abord, des grandes déclarations d’amour que ce disciple lui fait dans sa prière personnelle ou communautaire : Ô Seigneur ! tu sais combien je t’aime ! Il prend en compte, d’abord, l’obéissance de ce disciple à sa Parole : Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements (Jn 14.15). Celui qui retient mes commandements et leur obéit, voilà celui qui m’aime (Jn 14.21). Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur ! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux (Mt 7.21).
Jésus mesure notre amour pour lui, non pas d’abord sur ce que nous lui disons, mais sur ce que nous faisons pour obéir à ses commandements. Il en est de même lorsqu’il nous demande de manifester de l’amour pour notre frère en Christ ou pour notre prochain. C’est ce que nous faisons pour ce frère qui compte. Car cette façon d’aimer manifeste le désir profond d’être en accord avec les lois du Royaume de Dieu. Il s’agit d’aimer, comme Jésus a aimé, de vivre l’amour qui a sa source en Dieu et qui prend sa force dans l’amour que Dieu nous manifeste.
Pour confirmer, par un autre texte biblique, la vision que Jésus nous donne de l’amour du prochain, je vais lire la définition que Paul donne de l’amour. Lecture de 1 Co 13.4-7.

Remarquons qu’il n’est jamais question de sentiments dans ce texte. Il n’est question que d’attitudes, ou de comportements vis-à-vis d’une tierce personne. Ces attitudes, ces comportements marquent tous la volonté d’honorer le prochain, que ce soit ses parents, son conjoint, son enfant, son voisin, son patron, etc…
C’est comme si Jésus, à travers les paroles de Paul, nous disait : Aimer son frère en Christ, aimer son prochain, ce n’est pas d’abord lui dire : Je t’aime ! C’est, avant tout, être patient avec lui ; c’est être serviable envers lui ; c’est ne pas être envieux de ce qu’il est ou de ce qu’il a ; c’est ne pas se vanter auprès de lui ; ne pas se sentir supérieur à lui ; ne pas vouloir le léser ; ne pas garder sa colère envers lui ; ne pas lui souhaiter du mal ; lui pardonner s’il vous a offensé ; lui faire confiance ; accepté qu’il soit comme il est. Bref, c’est obéir à des commandements d’amour qui ont leur source en Dieu. Nous comprenons tous que cette façon d’aimer n’est pas forcément liée aux sentiments. Elle est liée au désir d’aimer les autres comme Christ nous a aimé.

Mais alors, l’amour-obéissance discrédite-t-il l’amour-affection ? Sont-ils opposés, incompatibles ? Certainement pas ! Lorsque l’affection vient compléter l’obéissance, c’est une grâce de plus que Dieu accorde à ses enfants. Cette dimension affective est bien présente dans la vie de Jésus. Dans le récit de la résurrection de Lazare (Jn 11), le texte insiste beaucoup sur les liens d’affection qui liaient Jésus avec Lazare et ses deux sœurs, Marthe et Marie. Comment en serait-il autrement, puisque Jésus était non seulement vrai Dieu, mais vrai homme aussi.
Ce qui donne la mesure de l’amour de Dieu envers les hommes, ce sont d’abord les actes. Jn 3.16 le dit particulièrement clairement : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…pour nous sauver. Mais la dimension amour-tendresse est bien présente dans toute l’Ecriture : Dans un débordement d’indignation, je t’avais un instant dérobé ma face, mais avec un amour éternel, j’aurai compassion de toi (Es 54.8). Je t’aime d’un amour éternel, c’est pourquoi je te conserve ma bienveillance (Jr 31.3). Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour (Jn 15.9).

Pour conclure, je dirai ceci : L’Écriture nous montre les deux faces de l’amour de Christ pour les hommes : Il a obéi à Dieu en donnant sa vie à la croix, et il a aimé les siens avec tendresse. Christ demande à ses disciples de manifester ces 2 faces de l’amour, comme il l’a fait lui-même : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

Mais l’Ecriture semble aussi nous dire que c’est l’amour-obéissance qui exprime le mieux la grandeur de l’amour : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les péagers aussi n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5,46). N’oublions jamais que Dieu nous aimés bien avant que nous l’aimions : « Dieu prouve son amour envers nous : lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous » (Rm 5,8).
Retenons que l’amour dont parle Jésus peut se manifester sans la dimension affective. L’exemple le plus probant étant l’amour pour son ennemi. Et lorsque l’amour-tendresse vient en complément (ce qui est souhaitable et qui se produit souvent), c’est la manifestation de la grâce de Dieu qui a aussi créé l’homme pour le bonheur, en lui donnant de pouvoir exprimer les élans de son cœur.
La conclusion ultime, je la laisse à Jean : « Petits enfants, n’aimons pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité » (1 Jn 3,18).

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