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28 mai 2013

L'Église de Christ

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L'Église de Christ


Jn 17.20-22 : Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un.

Que représentent « eux » dans ce verset ? Le verset 12 nous montre que Jésus parle de ses 12 disciples : Lorsque j’étais avec eux, je gardais en ton nom ceux que tu m’as donnés. Je les ai préservés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition (Judas), afin que l’Écriture soit accomplie

 Que représentent « ceux » qui croiront en moi par leur parole ? Ce sont ceux qui vont se convertir, Juifs et païens, en entendant les disciples annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu.

  L’interprétation courante de ce verset, c’est que Jésus demande à son Père que les chrétiens soient unis entre eux. Ce verset est souvent repris à l’occasion des rencontres œcuméniques de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui ont lieu chaque année au mois de janvier.

   On comprend que l’on soit poussé à cette interprétation lorsqu’on voit les divisions dans ce qu’il est convenu d’appeler l’Église : Catholiques, Orthodoxes, Protestants réformés, Luthériens, Évangéliques, Pentecôtistes, Baptistes, Apostoliques, Frères larges, etc… Mais est-ce bien ce que Jésus a voulu dire ? Regardons le texte de plus près.


   À l’époque où Jésus a adressé cette prière à son Père, il ne pensait pas aux divisions que je viens de mentionner, puisqu’elles n’existaient pas. Il pensait vraisemblablement à la division entre Juifs et païens, engendrée par l’acceptation ou le refus de le considérer comme le Messie, le Sauveur du monde.

  Jésus savait que la première division la plus dramatique, celle qui a sans doute entraîné les autres, c’est celle qui s’est opérée entre les Juifs croyant en Jésus et ceux qui n’y croyaient pas, de même que celle entre les judéochrétiens et les paganochrétiens.

   Au départ, les « évangélistes » étaient exclusivement des Juifs, et les « nouveaux convertis » étaient aussi des Juifs. Pensons aux Juifs qui se convertirent après un discours de Pierre : les 3000 le jour de la Pentecôte à Jérusalem (Act 2.41) et les 5000 les jours suivants (Act 4.4). Cette situation où seuls les Juifs étaient concernés par la foi en Christ a duré jusqu’à la conversion des premiers non-Juifs (vers 45-50), que les Actes des apôtres nous racontent au chapitre 10, avec la conversion de Corneille et de tous ceux qui étaient chez lui.

   Peu à peu, les pagano-chrétiens sont devenus majoritaires et cela s’est amplifié lorsque l’Empereur Constantin imposa le christianisme à tous ses sujets au IVe siècle de notre ère. Malheureusement, les chrétiens oublièrent progressivement que les disciples de Jésus étaient juifs, que les premiers convertis étaient tous Juifs.

  Ce regrettable oubli a conduits les chrétiens à penser qu’ils étaient devenus le nouveau peuple de Dieu, le nouvel Israël. Comme arguments, décisifs pour eux, ils avançaient que les chefs religieux Juifs avaient fait condamner Jésus et que la majorité des Juifs ne reconnaissaient pas que Jésus étaient le Messie. 

   Par voie de conséquence, on considérait qu’un Juif qui croit en Jésus devrait donc automatiquement devenir chrétien. Ceci conduit à une perception aussi fausse bibliquement que dramatique spirituellement : Selon eux, l’Église est constituée  de Chrétiens exclusivement.

  Toutes ces idées sont encore très largement répandues dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’Église ». Et il est important de revenir aux textes bibliques pour voir comment le Nouveau Testament présente les notions d’Église et d’Alliance.

La notion d’église

   En Act 2.47, juste après l’événement de la Pentecôte à Jérusalem, où il n’y avait que des Juifs, il est écrit : Ils louaient Dieu et obtenaient la faveur de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés.

  « Ils », ce sont des Juifs. Il n’y a donc aucune ambiguïté possible : la première Église se composait uniquement de Juifs croyant en Jésus. Les Juifs ont donc été le noyau initial de ce qu’on appelle Église.

   Quelques années plus tard, dans les chapitres 14 et 15 des Actes, alors que Paul a commencé d’annoncer l’Évangile aux païens avec Barnabas, le texte mentionnent 5 fois le mot « Église » qui désigne bien une assemblée de Juifs, même s’il s’y trouve quelques païens convertis : Après leur arrivée, ils (Paul et Barnabas) réunirent l’Église et rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi (Act 14.27). De même, au chapitre 15, ce qui est convenu d’appeler « La conférence de Jérusalem », entérine le fait que l’Église se compose à la fois de Juifs et de non-juifs croyant en Jésus.

La notion d’Alliance

   Les alliances appartiennent à Israël comme nous le rappelle Jr 31.31s : Voici que les jours viennent – oracle de l’Eternel – où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle, non comme l’alliance que j’ai conclu avec leurs Pères, le jour où je les ai saisi par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte, alliance qu’ils ont rompue…

   Il est donc clair que lorsqu’on parle de nouvelle alliance, cela concerne d’abord les Juifs qui étaient liés par une première alliance.

   Les non-juifs sont-ils exclus de cette nouvelle alliance ? Non ! Ce qui est nouveau pour eux, c’est le fait d’être invité à entrer dans cette alliance avec Dieu. Le texte d’Éphésiens 3.6 est parfaitement clair : Les païens ont un même héritage (que les Juifs qui croient en Jésus), forment un même corps (avec les Juifs) et participent à la même  promesse (faite aux Juifs) en Jésus-Christ par l’Évangile.

  Lorsque les Chrétiens se sont appropriés, sans scrupule, les textes sacrés et les Alliances concernant les Juifs, ils ont du même coup mis Israël à l’index, allant à l’encontre du plan de Dieu qui voit toujours Israël comme le peuple choisi, aimé de Dieu à cause de leurs pères et pour qui les dons gratuits et l’appel de Dieu sont irrévocables (Rm 11.28-29).

  En décrétant que l’Église remplaçait Israël dans le plan de Dieu sous prétexte qu’une majorité de Juifs refusaient de reconnaître Jésus comme le Messie, les Chrétiens ont contredit tout ce que Paul avait dit à ce sujet (Je vous invite à relire et à méditer les chapitres 9, 10 et 11 de l’épitre aux Romains).

  Que peuvent être les fruits d’une vérité aussi gravement altérée ? Comment les efforts d’unité entre les chrétiens pourraient-ils être pleinement bénis quand, pendant des siècles, les chrétiens ont tordu la vérité, et ignoré, évincé, méprisé, persécuté ceux qui ont constitué le premier noyau de l’Église du Christ, les Juifs ? Il est à peu près certain que l’antisémitisme chrétien a favorisé la Shoah. À ce sujet, le Primat de l’Église d’Angleterre a dit en 1988 : Sans les siècles d’antisémitisme chrétien, la haine passionnelle d’Hitler n’aurait jamais eu un écho si fort. Sans l’empoisonnement des esprits chrétiens pendant des siècles, la Shoah aurait été  inconcevable (Frère Yohanan, p 12).

  Depuis quelques décennies se développe une prise de conscience : les chrétiens sont de plus en plus nombreux à comprendre que ce n’est pas eux qui portent la racine, mais que c’est la racine qui les porte (Rm 11.18), c'est-à-dire qu’ils ne sont pas eux-mêmes l’olivier franc mais qu’ils sont greffés sur l’olivier franc que sont les Juifs.

  L’unité des chrétiens se joue dans la volonté qu’auront ces derniers de s’humilier d’avoir voulu prendre la place d’Israël, avec les conséquences que l’on connaît. Elle se joue aussi dans le désir de rester uni au tronc d’Israël. En d’autres termes, l’unité de chrétiens passe par la reconnaissance pleine et entière du peuple Juif comme étant le peuple choisi par Dieu et qui le restera jusqu’à la fin des temps, le peuple à qui appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses, les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement (Rm 9.4).

   Combien d’entre nous ont grandi dans la foi sans prendre réellement conscience que l’Ancien et le Nouveau Testament sont des écrits Juifs, que Jésus était Juif ? Combien ont grandi sans accorder plus d’importance que ça au peuple Juif, relégué au dernier rang de nos intérêts et de nos préoccupations et de nos prières ?

   Combien d’entre nous ont vécu pendant des décennies en pensant que l’Église est le cercle privé des chrétiens, sans avoir accordé de l’importance à ce que nous dit Paul : Souvenez-vous donc de ceci : autrefois, vous, païens dans la chair, traités d’incirconcis par ceux qui se disent circoncis et qui et sont dans la chair et par la main des hommes, vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde.  Mais maintenant, en Christ-Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang de Christ. Car c’est lui notre paix, lui qui des deux (Juifs et non-Juif) n’en a fait qu’un, en détruisant le mur de séparation, l’inimitié. Il a dans sa chair annulé la loi avec ses commandements et leurs dispositions, pour créer en sa personne, avec les deux, un seul homme nouveau en faisant la paix, et pour les réconcilier avec Dieu tous deux dans un seul corps par sa croix, en faisant mourir par elle l’inimitié (Eph 2.13-16).

  Je crois que les chrétiens resteront longtemps encore embourbés dans le problème de leur unité, avec ses avancées et ses reculs, aussi longtemps qu’ils n’auront pas intégrés dans leur théologie que l’Église que le Christ veut construire et dont il est le fondement et la pierre de l’angle, c’est le rassemblement en un seul corps des Juifs et des chrétiens.

  Lorsqu’il reviendra, comme il l’a promis, Christ ne viendra pas chercher deux épouses : son peuple Juif et l’église chrétienne. Non ! Il viendra chercher une seule épouse : son Église, composée des Juifs et des chrétiens, unis sous un seul chef : Le Christ.

  Par sa mort sur la croix, Christ a déjà tout accompli. Il a déjà détruit le mur de séparation, l’inimitié (Eph 2.14).

   Jusqu’à présent, les hommes ont relevés les murs de séparation que Christ veut détruire. Car, jusqu’à présent, l’immense majorité des chrétiens ont vécu comme si les Juifs n’existaient pas. Au mieux, ils ont vécu dans l’indifférence vis-à-vis d’eux, au pire dans le mépris et la haine. Comment pourraient-ils être unis entre eux en se donnant à eux seuls le titre d’Église ?

  L’unité des chrétiens passe par leur repentance profonde des péchés commis contre le peuple de Dieu, et de l’indifférence dans laquelle on les a tenus.

  Il y a des signes d’espérance : Des démarches significatives ont été faites dans ce sens, comme la visite de Jean-Paul II à la synagogue de Rome en 1986 à l’occasion de laquelle le Pape a déclaré aux Juifs : « Vous êtes nos frères aînés », sa prière au Mur de Jérusalem en 2000, geste répété quelques années plus tard par Benoît XVI. D’autres démarches, moins médiatisées mais tout aussi importantes se multiplient parmi les chrétiens pour établir le dialogue entre Juifs et chrétiens. Je pense aux rencontres dans le cadre de l’amitié judo-chrétienne. Je pense aux « Montées de Jérusalem » qui chaque année, depuis 1984, rassemble des chrétiens de toutes traditions, qui veulent mieux comprendre le peuple que Dieu a établi pour être la lumière des nations, pour que son salut soit manifesté jusqu’aux extrémités de la terre (Es 49.6).

   Je crois que toutes ces démarches ont déjà fait tomber des forteresses spirituelles. Mais il reste beaucoup à faire pour que chaque chrétien prenne conscience de la nécessité de la repentance vis-à-vis du peuple Juif, s’engage dans un dialogue avec son frère Juif et le reconnaissent comme un « frère aîné ».

  C’est un chemin qui s’ouvre devant nous. Et c’est dans ce dialogue avec nos frères Juifs que la notion d’Église prendra sa pleine signification, et  que l’unité entre chrétiens progressera le plus.

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