22 décembre 2010
La foi de Joseph
Jérusalem : Peinture murale représentant la piscine de Siloé
du temps de Jésus
La foi de Joseph
Le texte que vous allez lire est une méditation de Matthias Helmlinger,
pasteur de l'Eglise Réformée de France à Thiers
Matthieu 1.18-25 :
Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union elle se trouva enceinte par l'action du Saint-Esprit. Joseph, son époux, qui était une homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle. Comme il y pensait, voici qu'un ange du Seigneur lui apparut en songe et dit : "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient du Saint-Esprit, elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera sonpeuple de ses péchés". Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait déclaré par le prophète : "Voici que la vierge sera enceinte; elle enfantera un fils et on lui donnera le nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous". A son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez lui. Mais il ne la connut pas jusdqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.
Dès qu’on ouvre l’évangile selon Matthieu, on devine de quelle famille est issu l’auteur, Matthieu. Il est de la tribu de Lévy. Les Lévites servent le Seigneur Dieu dans le temple de Jérusalem. Ils sont très attachés à leur généalogie. Car le privilège et la responsabilité que constitue le service de Dieu au temple se transmettent de façon héréditaire uniquement dans la tribu de Lévy.
Il n’est donc pas étonnant que Matthieu soit le seul évangile qui commence par la généalogie de Jésus. Pour que Jésus soit le Messie, il faut prouver qu’il est descendant de David, et d’Abraham bien sûr. Cette descendance de David, Jésus peut la revendiquer, mais uniquement par Joseph, son père adoptif. Ici sur terre, l’adoption peut paraître comme une parenté secondaire, une parenté de substitution. Il n’en est pas ainsi dans la Bible. Tous les enfants de Dieu sont adoptés. Et cette adoption, loin de constituer une identité secondaire, constitue au contraire leur véritable identité. Jésus est adopté par Joseph et cette adoption permet de dire et d’écrire qu’il est « Fils de David ». L’apôtre Paul écrit par exemple qu’il a été mis à part pour annoncer l’Evangile de Dieu et que cet Evangile concerne Son Fils, le Fils de Dieu « issu selon la chair de la lignée de David, établi, selon l’Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d’entre les morts, Jésus-Christ notre Seigneur » (Romains 1/3).
Il est remarquable que ce titre de « fils de David » typiquement messianique, soit attribué dans le texte de Matthieu à Joseph. L’ange l’interpelle ainsi : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (v.20). Des années plus tard, quand Jésus entrera à Jérusalem pour accomplir le pardon de nos péchés par sa mort, la foule l’accueillera avec ce même titre : « Fils de David » (Matthieu 21/9).
Matthieu ne craint pas d’utiliser pour Jésus comme pour son père adoptif Joseph, la même expression : « fils de David ». Quelle dignité éminente est ainsi donnée à Joseph ! La foi de Joseph est rarement admirée. Elle est plus souvent tournée en dérision : « Quel benêt, ce Joseph, de croire que sa femme est enceinte du Saint-Esprit ! » Si nous mettons de côté ces moqueries qui peuvent surgir dans notre propre esprit, si nous lisons simplement et tranquillement le récit de la genèse de Jésus-Christ – c’est le mot que Matthieu utilise au v.18: « genèse » de Jésus-Christ – si nous lisons le récit de Matthieu, nous sommes obligés de constater l’importance de la foi de Joseph. Pas de genèse possible de Jésus-Christ sans la foi et l’obéissance simple de cet homme juif qu’est Joseph ! Matthieu dit que c’était un « homme juste ». Il ne voulait pas porter préjudice à sa femme, dont il pensait pourtant qu’elle l’avait trompé.
Quelle leçon extraordinaire nous avons déjà dans ce comportement : quelqu’un vous a fait du tort ? Votre propre épouse vous a trompé ? Ne lui faites pas de tort. Ne rendez pas le mal pour le mal ! Cette dernière phrase est même un verset de la Bible (I Thessaloniciens 5/15). Joseph est de la trempe de ces Juifs qui sont justes. Devant l’antisémitisme qui ravage à nouveau nos sociétés aujourd’hui, il est bon de se souvenir de cela : il y a des hommes justes parmi les Juifs. Joseph était de ceux-là. Non seulement il était juste, mais il a été capable d’écouter la Parole de Dieu et d’agir en conséquence. C’est lui qui permet à la prophétie de l’Immanouël de se réaliser. C’est lui qui est à l’origine de ce que nous avons aujourd’hui un Sauveur, quelqu’un qui nous sauve de nos péchés – c’est ce que signifie le nom de Jésus donné par Joseph à son fils.
Que signifie « sauver de nos péchés » ? Ne restons-nous pas pécheurs jusqu’à notre mort ? Sinon, pourquoi y aurait-il une confession des péchés à chaque culte, le dimanche matin ? Pourquoi les Juifs demanderaient-ils pardon pendant toute une journée chaque année à Yom Kippour ? « C’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés » dit l’ange (v.21). Jésus a posé des actes salutaires. Ces actes salutaires nous aident à sortir de nos péchés. Regarder à la croix lorsque nous avons péché est toujours possible. Jésus est définitivement pour nous le Crucifié Ressuscité, les deux en même temps. Tout ce que nous recevons, nous le recevrons toujours par grâce. Le Saint-Esprit nous sera toujours à nouveau donné. Le Sauveur qui nous sauve de nos péchés s’est associé avec nous sur la croix pour toujours. Son pardon et son aide pour que nous soyons sanctifiés nous sont pour toujours promis.
Permettez-moi d’insister sur la simplicité de la foi de Joseph : il envisage une procédure en divorce, il reçoit une parole de Dieu, il croit à cette parole et agit selon cette parole. On ne nous dit rien de plus. Le récit est très simple et c’est ce qui fait justement sa force.
Mais il y a quand même quelque chose que Matthieu a ajouté : il a ajouté une citation d’Esaïe. Cette citation est extraite du début du livre d’Esaïe, de cet ensemble de chapitres qui parlent à plusieurs d’un enfant qui sera un signe : Immanouël. Cet enfant cristallisait toutes les attentes, tous les espoirs à une époque de grande incrédulité. Esaïe était découragé par l’incrédulité des dirigeants politiques de son époque, qui étaient pourtant des fils de David. Il n’arrivait pas à leur faire partager sa foi dans le Dieu d’Israël qui tient toutes choses dans ses mains, qui tient dans ses mains même les rois étrangers, même les forces militaires des nations voisines. Esaïe semble même avoir perçu un découragement en Dieu Lui-même, puisqu’il s’exprime ainsi : « Ecoutez donc, maison de David ! Est-ce trop peu pour vous de fatiguer les hommes, que vous fatiguiez aussi mon Dieu ? » (Esaïe 7/13). Quelle audace chez certains prophètes ! Parler du découragement du Seigneur Dieu Lui-même ! Mais que cela nous aide à comprendre combien Dieu veut s’impliquer dans notre histoire et combien il est déçu quand nous lui fermons la porte. Ce qui ferme la porte à Dieu, c’est l’incrédulité. Le fils de David, Ahaz, roi de Jérusalem à l’époque d’Esaïe, ne voulait même pas demander un signe à Dieu, un signe qui l’aurait aidé à croire dans la promesse de Dieu. Il était fermement décidé à ne pas croire en Dieu, même s’il donnait un signe. Il croyait fermement dans l’alliance politique qu’il espérait négocier avec les Assyriens.
Mais malgré l’incrédulité, Dieu donne quand même le signe : c’est la naissance d’un nouveau fils de David, Immanouël. Esaïe a la certitude que sous son règne imminent, les promesses de Dieu s’accompliront. Mais que de souffrances pour Jérusalem, entre-temps ! Quelle folie pour Ahaz de se confier dans l’Assyrie, au lieu de se confier dans le Seigneur Dieu tout-puissant, Roi et Père d’Israël ! Esaïe exprime cela par une très belle image, triste et terrible mais belle : « parce que ce peuple refuse les eaux de Siloë qui coulent doucement… à cause de cela le Seigneur fera monter contre eux les eaux puissantes et abondantes du Fleuve – le roi d’Assyrie et toute sa gloire. Il s’élèvera partout au-dessus de son lit, il franchira toutes ses berges. Il envahira Juda, il débordera, inondera, arrivera jusqu’au cou, et l’extension de ses rives remplira la largeur de ton pays, ô Immanouël ! » (Esaïe 8/7-8). Ceux qui ont visité Jérusalem, savent que la source de Siloë coule en permanence, doucement, mais de façon permanente, ce qui est très étonnant dans le pays désertique qu’est la Judée. La nation d’Israël avait beaucoup d’admiration pour les pays comme l’Assyrie ou l’Egypte qui eux, ont des fleuves au débit impressionnants, des fleuves garantissant la fertilité et donc la richesse et la force.
Nous sommes encore aujourd’hui devant le même choix qu’Israël : croire en la présence douce et permanente de notre Seigneur et Dieu, d’Immanouël, ou croire à la puissance objective et visible des forces naturelles et des nations de ce monde.
Du côté de Jésus crucifié percé par la lance d’un soldat romain a coulé de l’eau et du sang. Cette eau et ce sang coulent encore, doucement mais en permanence pour la vie et le pardon, pour la paix et la joie. Quelle efficacité allons-nous choisir ?
Appartenir à Israël, c’est choisir la source de Siloë. Le Psaume 24 (v.6) que nous avons écouté au début de ce culte nous le dit d’une autre manière, mais c’est la même idée : appartenir à Jacob, c’est chercher la face du Seigneur.
Jacob avait deux femmes : Léa et Rahel. L’évangile de Matthieu nous parlera des souffrances de Rahel à la naissance de Jésus. Ecoutons ce qu’a écrit le père Louis-Marie Baudouin au début du 19° siècle. Il a été cité récemment par le père Michel Remaud qui vit depuis des années en Israël.
Louis-Marie Baudouin compare Jacob à Jésus. Je le cite librement, car Louis-Marie Baudouin n’a jamais voulu qu’on publie ses textes. Il les avait même détruits, mais des sœurs avaient fait des copies : « Jacob avait deux femmes, Léa et Rahel. C’est Rahel que Jacob a aimé la première. Jésus a aimé en premier la synagogue. Elle reste pour Lui son épouse préférée, la belle Rahel. Mais c’est Léa qui fut la première épouse de Jacob. Léa, c’est l’église des nations. Certes, Léa est l’épouse féconde, mais malheureusement trop féconde. Les différents peuples qui ont composé l’Eglise, comme les Grecs, les Romains, les Barbares, y ont apporté une variété merveilleuse, mais combien de taches dans chaque peuple que le baptême n’efface pas ! Les guerres, les hérésies ont noirci un peu cette Epouse trop féconde. L’Eglise a été composée de fidèles de diverses nations, par conséquent de divers intérêts et caractères et passions. Des intérêts temporels, des points d’honneur particuliers ont divisé des pays chrétiens contre des pays chrétiens. L’Eglise telle quelle, avec tout ce paganisme ne répond pas à l’attente de Jésus. Jésus aime toujours Rahel, la belle synagogue. »
Nous ne sommes pas obligés de prendre telles quelles ces interprétations allégoriques du père Marie-Louis Baudouin. Je considère qu’elles ouvrent une piste. Une piste qui nous aide à ne pas oublier que, d’après le récit de Noël de Matthieu (Matthieu 2/18), c’est Rahel qui a souffert pour que Jésus puisse naître dans ce monde. C’est elle qui a pleuré.
Les souffrances d’Israël ne sont pas rien. La foi de cet homme juif juste qu’est Joseph, ce n’est pas rien. Un minimum de reconnaissance, ce ne serait pas du luxe !
Amen.
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15:46 Publié dans Vie chrétienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joseph, emmanuel, naissance, jésus
06 décembre 2010
Etre disciple de Christ
Etre disciple de Christ
Je vous propose de lire Luc 14.25-35
De grandes foules faisaient route avec Jésus. Il se retourna et leur dit : Si quelqu'un vien à moi, et s'il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix et me suis, ne peut pas être mon disciple. Car, lequel d'entre vous, s'il veut bâtir une tour, ne s'assied pas d'abord pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi la terminer, de peur qu'après avoir posé les fondations, il ne soit pas capable d'achever, et que tous ceux qui le verront, ne se moquent et ne disent : Cet homme a commencé à bâtir et n'a pas été capable d'achever. Ou quel roi, s'il part pour s'engager dans une guerre contre un autre roi, ne s'assied pas d'abord pour examiner s'il a le pouvoir avec dix mille hommes de marcher à la rencontre de celui qui vient contre lui avec vingt mille ? Tandis que l'autre est encore loin, il lui envoie une ambassade, pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple. Le sel est une bonne chose ; mais si le sel devient fade, avec quoi l'assaisonnera-t-on ? Il n'est utile ni pour la terre, ni pour le fumier ; on le jette dehors. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !
Ces paroles de Jésus ne sont pas faciles à comprendre. En effet, il demande d’abord à ses auditeurs de haïr ceux dont on est le plus proche, et qu’on aime le plus (père, mère, femme…) et de haïr sa propre vie. Il demande aussi à chacun de porter sa propre croix. Il illustre cela avec 2 petites paraboles dont on ne comprend pas bien le rapport avec ce qui précède. Il exhorte chacun à renoncer à tout ce qu’il possède. Et il termine enfin en nous parlant de l’éventualité du sel qui pourrait perdre sa saveur et n’être donc plus bon à rien !
Pourquoi Jésus nous dit-il tout cela ? Pour nous montrer ce qu’il attend des hommes s’ils veulent être ses disciples. En effet, à trois reprises, Jésus dit : Si vous ne mettez pas cela en pratique, vous ne pouvez être mon disciple.
On est un peu écrasé par les exigences de Jésus, par les difficultés à comprendre le texte, et on se demande : Est-il possible d’être disciple de Jésus ? Examinons ces points les uns après les autres.
La haine de ses proches et de sa vie
De nombreuses versions françaises (TOB, BFC…) ont voulu adoucir la radicalité du verbe grec misein qui signifie haïr. Elles traduisent : Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père… Mais le texte est sans ambiguïté ; il s’agit bien du verbe haïr. Comment Jésus peut-il demander cela, alors que lui-même et toute la Bible prône l’amour du prochain et de soi-même : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Comment peut-il demander cela, alors que l’Evangile de Jean nous dit en toutes lettres que Jésus aimait Marthe, Marie et Lazare (Jn 11.5), et qu’un peu plus loin, Jésus parle de l’amour qu’il a pour ses disciples (Jn 15.12).
Pour comprendre ce paradoxe, il faut se remémorer ce que l’Ecclésiaste disait en parlant de sa vie : J’ai haï la vie, car pour moi l’ouvrage que l’on fait sous le soleil est mauvais, puisque tout est vanité et poursuite du vent. J’ai haï toute la peine que je me donne sous le soleil et dont je dois laisser la jouissance à l’homme qui me succèdera (Eccl 2.17-18).
Etrange discours, de la part de cet homme qui avait tout pour lui : intelligence, sagesse, richesse, pouvoir, honneur, amour des femmes, etc… ! Pas si étrange que cela ! Un jour ou l’autre, nous avons tous expérimenté ce sentiment que notre vie était vide, que les choses matérielles qui semblaient combler notre vie apparaissaient soudain comme du vent ; que notre pouvoir, notre position sociale, nos diplômes, notre travail, nos relations, même avec les plus proches n’arrivaient pas à nous combler totalement et laissaient en nous un vide. Dans ces moments, toutes ces choses matérielles ou immatérielles nous apparaissaient soudain comme haïssables, car incapables par elles-mêmes de nous conduire à une relation profonde avec Dieu, et à notre unique vocation : être disciple de Christ.
C’est dans ce sens que Jésus demande aux hommes de haïr leurs proches, et de haïr leur vie, s’ils veulent être disciples.
Comprenons bien : L’amour pour sa famille a bien une valeur en soi, c’est même très important ; et Jésus ne demande pas que nous nous détestions. Mais il met en garde celui qui est satisfait de lui-même, de sa vie et de ceux qui l’entourent. En effet, être disciple du Christ, c’est faire l’expérience d’être accueilli dans sa misère, sa petitesse, avec son manque et son attente.
Porter sa propre croix
Sur ce point, il est important de remarquer que la plupart des versions françaises ne sont pas fidèles au texte grec. Elles traduisent : Quiconque ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut pas être mon disciple. En réalité, le texte grec dit : Quiconque ne porte pas sa croix et me suit, ne peut être mon disciple. Cela change profondément le sens des paroles de Jésus. Cela signifie : La relation d’un croyant avec Jésus ne consiste pas simplement à le suivre, mais à être disciple. Or le seul critère pour être disciple de Christ, c’est de porter sa propre croix.
Que signifie cette expression ? Il y a un lien étroit entre Jésus portant sa croix, et cette demande faite aux croyants de porter leur propre croix. Mais il y a aussi une différence essentielle. La différence, c’est qu’après avoir porté sa croix, Jésus a été crucifié. Il s’agit d’un sacrifice pour sauver les hommes. Ce n’est pas le cas pour ceux qui veulent être disciples. La ressemblance, c’est que pour être fidèle à la mission confiée par son Père, Jésus s’est dépouillé de tout, comme le dit Paul : Lui dont la condition était celle de Dieu, n’a pas estimé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes (Phil 2.6-7).
Porter sa croix, pour un homme, ce n’est donc pas porter ses misères, ses soucis, ses maladies, (comme on a pu l’entendre ou le penser). Porter sa croix, c’est, comme l’a fait Jésus, renoncer à se suffire à soi-même, renoncer à être indépendant, à compter sur ses propres forces, ses valeurs, son intelligence, ses capacités d’entreprendre, etc…. Bref, c’est s’en remettre totalement à Dieu et laisser Dieu nous conduire, comme l’a fait Jésus.
Pour illustrer ce renoncement à compter sur soi-même, Jésus raconte 2 petites paraboles, qu’il conclut en disant : Ainsi donc (c’est-à-dire : prenez exemple sur les 2 personnages dont je viens de parler) quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple (v 33). Quels exemples et quelles leçons nous donnent ce bâtisseur et ce roi ? Jésus ne les cite pas en exemple parce qu’ils ont été capables de faire des choses humainement impossibles : construire une tour sans argent, ou partir en guerre contre un ennemi deux fois plus puissant. Au contraire, il les cite en exemple parce qu’ils ont su renoncer à ce qu’ils avaient prévu de faire. Pour le croyant, une façon de haïr sa vie, c’est de renoncer à compter sur ses propres capacités ou sa volonté de réussir par soi-même. Renoncer à considérer ses proches comme le centre, l’essentiel de sa vie, ce sur quoi tout se focalise, ce autour de quoi tout s’organise ; renoncer à l’illusion de l’auto suffisance et de l’autonomie. Renoncer à limiter l’existence à son MOI et à l’univers qui va avec ; renoncer à tout ce qui me donne de la valeur, à mes yeux et aux yeux des autres : Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple. On a tous tendance à comprendre que le verbe posséder ne concerne que les choses matérielles : une maison, une voiture, un compte en banque, etc… Dans ce verbe, Jésus englobe aussi les choses immatérielles auxquelles on tient autant, parfois plus, qu’aux choses matérielles : Education, savoir, position sociale, pouvoir, notoriété. Tout cela peut constituer un obstacle pour devenir disciple de Christ, si nous n’apprenons pas à les haïr, c’est-à-dire à renoncer à ce qu'elles gouvernent notre vie.
Avec de telles exigences de la part de Jésus, est-il possible de devenir son disciple ?
Le danger, c’est de croire que l’on peut devenir disciple de Christ par soi-même, à force d’actes pieux, de sacrifices, de bonnes œuvres qu’on a choisies soi-même et dont on est maître. Dans la dernière partie du texte, Jésus semble dire que le croyant qui veut se faire disciple à la force du poignet, est comme du sel qui n’a plus de saveur. Il est inutile pour tout, et il est bon à être jeté !
Jésus n’a-t-il pas dit, en parlant de ses disciples : Vous êtes le sel de la terre ! (Mt 5.13). Alors, pour bien comprendre cette dernière partie du texte, je propose de traduire ainsi les paroles de Jésus : Etre disciple est une bonne chose ; mais si ce disciple devient fade, avec quoi l’assaisonnera-t-on ? (c'est-à-dire : en quoi sera-t-il utile à son Maître ?).
Je crois que ce texte nous dit qu’il est aussi facile de devenir disciple de Christ par soi-même que d’être sauvé par ses œuvres ! Autrement dit, c’est impossible ! On ne décide pas de devenir disciple : c’est Christ qui nous choisit comme disciple : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, dit Jésus, mais moi, je vous ai choisi et je vous ai établis, afin que vous alliez et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. (Jn 15.16).
De même que la foi est un don, porter sa croix, c’est-à-dire renoncer à tout ce qui nous rend auto-suffisant, cela aussi est donné au croyant. C’est l’œuvre de l’Esprit en lui qui lui permet de comprendre et de mettre en pratique cette parole de Jésus : Sans moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15.5).
Quelqu’un a dit : Vouloir servir Dieu sans Dieu n’apporte jamais rien de bon. Ce texte nous dit : Vouloir suivre Jésus sans renoncer à tout, c’est se leurrer sur sa condition de disciple. On ne peut pas se faire disciple de Christ par soi-même. Mais Christ, lui, peut faire de chacun de nous des disciples. Mieux que cela : Il le veut. Alors, lâchons prise et remettons-nous entièrement entre les mains du Dieu d’amour qui nous appelle à le servir et disons-lui :
Seigneur, je ne suis pas digne d’être ton disciple, mais tu m’appelles à l’être.
Alors, change et guéris en moi tout ce qui a besoin de l’être
pour que je puisse te servir comme tu le désires.
De ses hautes demeures, il arrose les montagnes ;
La terre est rassasiée du fruit de tes oeuvres
Psaume 104.13
14:15 Publié dans Vie chrétienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : disciple, croix, renoncer